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jeunesse, qui lui était resté fidèle même aux heures sombres de la Bastille, elle s’en fut chez M. Dacier... Il avait perdu dans l’intervalle l’illustre et vaillante épouse dont le nom est resté parmi les gloires suprêmes du siècle agonisant de Louis XIV, Mme Dacier ! un éloquent et rare esprit, ami des chefs-d’œuvre, interprète fidèle de l’antiquité. Fille d’Homère, elle avait traduit de la plus digne façon l’Iliade et l’Odyssée, et sa traduction sans rivale n’a pas été dépassée. Elle à traduit des Latins, Plaute et Térence, et si M. Dacier a mis son nom à la traduction d’Horace, il y fut grandement aidé par cette compagne active de ses travaux.

Malgré sa douleur profonde, et tout pénétré de la perte irréparable qu’il avait faite, il advint que M. Dacier trouva dans Mlle de Launay tant de grâce et de bel esprit, et je ne sais quoi de si voisin de la femme qu’il avait perdue, qu’il envoya M. de Valincourt, leur ami commun, demander à cette fille parfaite, c’est ainsi qu’il l’appelait, l’honneur de son alliance. Il appartenait aux deux Académies ; il était célèbre et fort riche et jeune encore ; et Mlle de Launay, que la prison avait faite sérieuse, à qui le malheur avait enseigné la prudence et la résignation, accepta la main qui lui était offerte. Elle mit cependant une condition à ce mariage, à savoir le consentement de Mme la duchesse du Maine, espérant que la princesse n’y trouverait aucun obstacle. Elle comptait qu’elle ne serait pas refusée, elle comptait mal.

A la première ouverture qu’on lui fit de ce mariage, la princesse, hors d’elle-même, se récrie ; elle ne saurait se passer, disait-elle, des soins et des services de sa lectrice et de sa confidente ; elle ne veut pas que son secret transpira au dehors ; elle promet, du reste, de s’occuper de sa fortune. En vain M. de Valincourt et les amis de Mlle