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IV


LES BOUQUINS


Tu me vois quelquefois triste, énervé, grincheux,
— Quand j’ai fumé surtout mes pipes allemandes
En travaillant longtemps — alors, tu me demandes
D’où vient l’expression si dure de mes yeux.

Tu me dis que mes grands bouquins sont ennuyeux
Comme les pins et leurs petits pots dans les landes ;
C’est vrai : viens… tes baisers sont comme des amandes :
Ils ont un parfum blanc : ils sont délicieux.

T’aimer bien, ça vaut mieux que de rimer des strophes
Ou que d’étudier de tristes philosophes.
Dans un livre savant, hier soir, je lisais :

On y voulait prouver d’une façon notoire
Que la réalité n’est qu’ « hallucinatoire » ;
Je suis halluciné, chère, par tes baisers.