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répondez parce que mon cœur est en face du Vôtre et parce que je n’ai pas su retirer du fossé où je l’ai fait tomber une âme que j’y ai poussée avec la mienne. Avec Vous il n’y a pas à mentir. Vous me connaissez mieux que moi-même. Vous savez que je donnerais pour Françoise jusqu’à la dernière goutte de mon sang ; que j’accomplis pour elle les besognes les plus ingrates et que je me livrerais aux plus rudes s’il le fallait. Et je ne regrette rien de mon art interrompu. Vous savez que les heures que je viens de passer auprès d’elle, avant l’opération de demain, sont les plus atrocement amères que j’ai vécues. Mais ce qui porte au comble ma détresse, ce n’est point une disparition que je redoute pourtant par-dessus toutes les épreuves humaines, mais c’est une mort éternelle, c’est la pensée que Françoise à jamais aveuglée par le crime que nous avons commis, ne me retrouve jamais en Vous ; et que frappé de la même cécité, je cherche en vain après ma mort celle qui fut ma vie. Jamais. Oh ! quel mot ! Je Vous supplie donc, ô mon Dieu, de nous sauver, de