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Scène VI

À la même heure, dans le bureau de la Compagnie où il est employé.

PIERRE, pense.

Que ce travail est fastidieux ! À peine levé on s’endormirait dessus… Mais aussi… Que, peu de goût j’ai de la vie et quelle douleur de me sentir si peu tendre envers cette pauvre créature ! Que n’ai-je, pour suppléer à cet amour dont je ne ressens que l’amertume, un peu plus de pitié ? Pourquoi toujours ces emportements que je veux réprimer, mais que je ne peux réprimer et qui la laissent en larmes ? Lâcheté. Lâcheté de l’homme habitué à jouir de ses nerfs comme des cordes d’un violon. Ah ! Qui donc a dit qu’il ne fallait pas voir les cygnes de trop près ? Voilà ce qu’a fait de moi cette tension continuelle de mon être, cette poursuite d’un absolu terrestre qui n’existe pas. Je me souviens quetout enfant j’allais demander au grand bouleau du bosquet de me parler. Et à ses mil-