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seline où elle s’embarrassait en marchant, et ses cheveux comme des écheveaux de fil de cuivre tordus, et son œil violet comme du charbon de bois, et sa joue comme une rose pesante et sa gorge courte ! Cette tasse pèse dans ma main. Elle pèse ainsi que ce ciel de juillet. « Celui qui désire la femme de son prochain a déjà commis l’adultère », dit l’Évangile. Désire veut dire ici : qui se dit que s’il le pouvait, il voudrait la prendre. Je ne veux pas. Le va-et-vient du balancier dans le ventre de la haute horloge est tour à tour doré et absent. L’heure est fatiguée. Je vois le facteur dans l’allée. Il a l’air du dieu en marche de l’épais feuillage et de la route. De Ramous d’où il vient jusqu’ici, on peut compter trois kilomètres. D’ici jusque chez les Paul, deux kilomètres. Il n’y a pas de jour que les Paul ne reçoivent de lettres. Le facteur y va. Il y arrivera vers onze heures. Elle aura le chapeau qu’elle avait sur l’allée noire et blanche. Elle ira à la rencontre du facteur jusqu’à, peut-être, ce pré en pente où il y a trois noyers qui surplombent, plus noirs que tout. À la rencontre du facteur avec leurs en-