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Saint-Jacques… Les ancêtres de Johannès avaient dû passer par les chemins frais qui vont à Compostelle et par les déserts calcinés de la Palestine… Johannès avait hérité d’eux cette passion de secourir les malades… C’était le bon Samaritain… Il avait versé, comme une huile précieuse, sur la plaie d’une déshéritée, ces trois mots : « Je vous aime… » Mais ce n’était pas de l’amour ; ce ne peut être de l’amour… Car, si c’eût été de l’amour, cela l’aurait choquée sans doute… Tandis qu’elle avait senti au fond de son cœur une tendresse reconnaissante… comme la permission de Dieu…

Et cette idée que Johannès n’a dû obéir qu’à la pitié ronge la jeune fille. Et elle qui doutait naguère de l’amour de Johannès pour Luce d’Atchuria, elle y croit à présent. Ce n’est point par indifférence pour Luce, pense-t-elle, que le jeune homme se prononça ainsi dans le vallon poétique où l’oncle Tom cueillait ses fleurs chéries… Non… simplement, dans son excessive délicatesse, il voulait épargner à une estropiée la rancœur de lui