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du même côté, parce que souffle une insensible brise ; la route qui longe le pâle incendie des labours, les seigles et les coquelicots ; la route qui, dans l’ancienne image, ramenait au pays le soldat libéré qui saluait de la main la fumée de sa chaumière.

Luce et Pomme d’Anis vont sur cette route. Pomme est coiffée d’une petite casquette d’où s’envolent les rayons de soleil de ses cheveux et Luce d’un large chapeau jaune qui a l’air d’un pavot fou, et sous lequel déferlent deux bandeaux de nuit d’Eté. Pomme vêt une robe grise montante, sévèrement fermée au col par un camée que lui a donné l’oncle Tom, et qui représente un cœur qui s’envole devant un chien en arrêt ; Luce, une robe de mousseline blanche, décolletée à peine, et l’ombre mystérieuse des seins encore verts se creuse sous la lueur d’une chaîne d’argent.

Elles ouvrent la claie d’une ferme et pénètrent dans un potager où elles s’asseyent.

— Ma chère, dit Luce à Pomme d’Anis, je me sens toute…