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FEUILLES DANS LE VENT

sonnes absentes qui eussent hoché la tête avec tristesse. On m’y montrait un angle où mon père, à son arrivée de la Guadeloupe, il avait sept ans, faisait des grimaces pour égayer les parents, peut-être pour s’égayer lui-même, pauvre enfant transi encore ivre d’un rêve de verts cocos, de fleurs tendrement roses et de lueurs sonores de colibris…

La salle à manger d’aujourd’hui s’ouvre à l’Est, sur le jardin qui longe la route. Elle n’a aucun luxe. Elle est médiocre, mais les dieux m’y visitent et, parfois, quelques déesses lassées du monde ont mordu à mon pain sauvage. Pour la décrire, on ne peut dire mieux que Mong-Kao-Jén dans ces vers traduits par d’Hervey de Saint-Denys :


… Un ancien ami m’offre une poule et du riz.
… On a pour horizon des montagnes bleues dont les pics se découpent sur un ciel lumineux.
Le couvert est mis dans une salle ouverte d’où l’œil parcourt le jardin de mon hôte :
Nous nous versons à boire ; nous causons du chanvre et des mûriers.
Attendons maintenant l’automne, attendons que fleurissent les chrysanthèmes.