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FEUILLES DANS LE VENT

vert. Puis nous déjeunâmes d’un cari d’un jaune livide, de tomates, de mollusques saumonés et d’un riz bouilli aux grains si détachés et purs qu’il ressemblait à un madrépore. Après quoi nous nous rendîmes à l’atelier, j’allais dire au jardin…

… Car, ô merveille ! Je n’avais jamais vu de fleurs telles qu’encore que peintes de main d’homme, leur parfum même était rendu !

Un continuel murmure emplissait la pièce, celui d’abeilles qui butinaient ces corolles pour composer le miel dont se nourrit un mystérieux génie.

Mais ces fleurs étaient douées, de plus, d’un charme que je ne savais dire — autre que le parfum, la couleur et la forme — un charme qui, par son caractère de jamais éprouvé jusque-là, me ravissait en extase inquiète.

Etje demeurais comme Dante quand, pressé par quelque doute théologique, il brûle d’interroger saint Thomas ou Béatrice. Mais ces deux âmes n’étaient point là pour me répondre. Et d’ailleurs, connaissent-elles d’autres fleurs que celle dont les pétales servent de trône aux élus ?