Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais voici bien un autre océan, c’est la montagne vue de la plaine d’Abos, c’est la sérénité blanche et bleue d’un geste immobilisé comme le geste d’une victoire, les témoins célestes que la foi seule peut transporter. J’ai sous les yeux ce paysage et ce transport, précisément, de l’inspiration sur la toile muette et grave. Au premier plan, un treillis de branches d’or sèches que le printemps va bientôt recouvrir ; au delà, les duvets du froment qui naissent pareils au duvet glauque des jeunes oies. Sur cette paix agricole se montre, comme une femme en oraison ou comme un chien de berger qui garde le petit village bombé et ardoisé, une colline rousse frappée d’une grande ombre, l’ombre de quelque nuage ou de la main de Dieu. Et puis ensuite, c’est l’indécision des vallées lointaines, d’autres champs, d’autres villages, d’autres collines sur lesquelles s’élève avec autorité, dans l’azur du ciel, cet azur de la terre : les Pyrénées qui ne se distinguent de la lumière, tant l’œil de Lacoste est net, que par quelques filets de neige.

Ce que dit ce tableau est inexprimable. Il