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OUVERTURE DU PRINTEMPS

montrait à cette fille dorée de l’Italie la direction des collines mâconnaises, de Milly ou la Terre natale. La Nuit pâlit alors. Des larmes effaçaient son sourire. Son bras s’arqua vers son front, son buste se penchait en arrière par une émotion qu’elle n’avait, jusque-là, jamais ressentie. Elle contemplait de nouvelles ombres qui foulaient le tapis chantant des anémones ardentes. La lune, pour les mieux considérer, avait ôté le masque de velours d’une soirée perdue. J’aperçus un chapeau haut de forme, une barbe courte, un habit pincé, une cravache et ce cou de cygne expirant.

— C’est ma dernière nuit, dit-il.

Nous vîmes alors la Lucie le regarder comme une source regarde le ciel. Elle semblait, à peine existante dans sa robe pou-de-soie bombée par la crinoline, une fleur gigantesque qui va se flétrir en vous embaumant.

— C’est ma dernière nuit, répéta-t-il.

Alors, elle fouilla dans son corsage. On distinguait ses bandeaux blonds et lisses sagement appliqués sur ses fines oreilles. Elle