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MÉDITATIONS

rit un fruit. Il est deux heures et ses cousines l’ont enlevé et transporté endormi sur le lit de repos de la bibliothèque. Les volets pleins laissent fuser en dessous une raie de silence. Il est trois heures et, réveillé, il va au salon où des êtres pacifiques se nomment ses père et mère et ses amis. Il est quatre heures et la vallée ressemble à un miroir qui bascule, peuplée par des personnages de l’Histoire Sainte qui habitent des chaumières aux murs épais comme des pains. Il est cinq heures et l’enfant regarde goûter la couturière qui est arrivée à pied, au matin, tenant tout au long de la route un rameau lourd de cerises noires. Et le chat blanc tourne devant le linge blanc.

C’est si beau, la Terre, que l’enfant veut un jour aller au Ciel dont on lui a parlé et qu’il ne distingue pas du firmament qui est au-dessus de sa tête. Quel guide prend-il, sinon sa nourrice qui déjà le tient pour un savant et qui sait bien, d’elle-même, que Dieu est au Ciel et que le ciel est cette nappe bleue de vent qui ne bouge pas et où les oiseaux volent et les branches apparaissent ?

Et il lui dit : je veux que tu m’accompagnes