Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répondis-je, ce loisir ne m’est pas octroyé par la Providence. J’ai quitté à midi l’hospice d’Orthez et je me suis si bien trouvé de cette place que, si vous ne m’en chassez, je veux y passer la nuit qui s’annonce fort belle.

Je m’étais levé, tenant à la main mon misérable chapeau melon et, la tête haute, une jambe cambrée, je m’amusais un peu de ce gentilhomme que je composais, mais dont le salut semblait toujours s’accompagner d’un air d’orgue de Barbarie et de la quête d’un liard. Mon attitude en face de cette jeune beauté villageoise tenait tout à la fois de Don Quichotte et de l’inventeur malheureux.

— Pauvre homme ! me dit-elle, si vous craignez le froid de la nuit, je vous permets de passer le pont et d’aller dormir dans le foin de notre grange.

— Ce n’est point de refus, madame. Il est encore des gens du bon Dieu.

Elle disparut. J’allai boire à une source prochaine. Les rayons étaient doux du côté de la mer, et le jour entrait en extase. Je me mis à genoux sur la mousse et récitai ma