Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je fus toujours original et la pauvreté n’a fait qu’augmenter en moi un enfantillage qui me donna à regretter, alors qu’il me manquait tant de choses indispensables à cette minute-là de ma vie, de ne point posséder un chapeau de Panama. Est-ce imprévoyance ou déséquilibre chez l’homme à qui tout le superflu et presque le nécessaire sont refusés ? Mais fût-on venu me trouver au bord de ces eaux enchantées, et m’offrir de réaliser l’un de mes souhaits, que je n’eusse choisi ni royaume, ni château, ni maison où finir mes jours dans l’opulence, mais un chapeau de Panama. Peut-être était-ce que j’avais vu une gravure, dans la chambre que j’occupais à Abidos dans mon enfance, et qui représentait l’empereur du Mongol assis sur une rive fleurie et coiffé d’un de ces parasols.

Je me passai de panama comme de palais et continuai bonnement de goûter là un assez beau coucher de soleil.

Sa lessive achevée, la jolie meunière passa non loin de moi et m’aperçut.

— Vous pêchez à la ligne ? fit-elle.

— Hélas ! madame, ou mademoiselle,