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LE POÈTE

Je désirais la gloire quand j’étais un enfant.
Jamais je ne l’ai si peu souhaitée qu’à présent.
Si on me la donnait, est-ce que ma vieille pipe à bout d’ambre
sentirait meilleur ou moins bon ? Et dans ma chambre
est-ce que ma tristesse et ma joie ne seraient pas les mêmes
en écoutant au loin les pas de ma mère ?
La gloire ? Est-ce que c’est d’être mieux habillé ?
Est-ce que c’est d’être davantage regardé ?
Est-ce que c’est d’être davantage aimé ?
Mais presque tous ont crié que les femmes les trompaient.
Alors, qu’est-ce que c’est ?

L’ÂME DU POÈTE

Alors, qu’est-ce que c’est ? Calme-toi. Tu seras heureux.
Tous les hommes seront heureux un jour ou l’autre.

(Un chant de paysan s’élève au loin.)

Ce paysan qui chante au loin est heureux.
Le grillon qui chante dans la suie est heureux.
Le cochon qui a fini d’être saigné est heureux.
Le pauvre veau quand on l’achève est heureux.
Le gibier que l’on tue roide est heureux.
Le blessé qui s’évanouit est heureux.