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LA FIANCÉE

Je t’aime.

LE POÈTE

Je t’aime. Je t’aime. Ton corsage bat. Tu es pâle.

L’ÂME DU POÈTE

Vois ? La vigne bleue se tord sur les ceps noirs.
Les coteaux vont bientôt devenir en soir.
Ils ont une ligne douce comme une ligne,
douce comme l’odeur du miel et de la vigne.
Les angélus vont chanter et s’arrêter en tournant
comme des palombes, au-dessus des champs
qui ont, le soir, cette odeur forte de forêt
qui fait se tromper les chiens d’arrêt.
Les champs gras vont rouler dans une espèce de laine
douce, humide. Tu vas voir trembler toute la plaine.
Les roses, roses le jour, sont des roses noires la nuit.
Au delà des coteaux s’en sont allées les pluies.
Bois les baisers de ta douce et tendre fiancée.
Les larmes des femmes sont lourdes et salées
comme la mer qui noie ceux qui y sont allés.
Tu l’auras, cette fiancée douce, dans ton lit.
Elle est douce comme les plus légères pluies,