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Ils mangent leur gros pain sur la table luisante et noire.
Ils ont de vieux chapeaux bordés de vieille moire.
Leurs porte-monnaie sont usés mais ils ne savent pas
qu’une femme coûte quatre cent mille francs,
ni qu’il y a d’autres plantes que l’ombre des lilas,
les roses, les pourpiers, les lys, les giroflées,
les roses de Noël, les glaïeuls des allées,
les tristes buis luisants et les tulipes en fer.
Les gens pauvres et fiers sont pareils à des cygnes.

LE PÈRE

J’ai arrangé, près du laurier-thym, la ruche.
Il y avait encore, qu’on avait cassée, une cruche.

LA FIANCÉE

La servante est vieille. Elle est malade.

LA MÈRE

Elle n’a plus la force d’arracher la salade.

(La servante porte un verre d’eau au poète. Il boit.)
L’ÂME DU POÈTE

Bois ! C’est l’eau du puits qui crie.
Elle est claire comme elle, comme la pluie.
Elle est pure comme l’âme de ta fiancée.
Comme ses bras elle est douce et glacée.