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LE POÈTE

— Où est ma mère ?

L’ÂME DU POÈTE

Dans la salle à manger où sentent bon les fruits,
elle coud le linge blanc près des capucines
qui font penser à Mademoiselle Linné.
C’est la mère douce aux cheveux gris dont tu es né.
Il y a un grand calme qui tombe de la vigne.
La chatte sur la pierre chaude s’étire
en baillant, ou roule au soleil son ventre blanc.
Ta chienne allongée allonge un museau pointant
sur ses pattes allongées, courtes et frisées.
Le ciel clair comme l’air entre par les croisées.
Dieu te rendra bon comme les hommes
et doux comme le miel, la méture et les pommes
où se collent les guêpes en or tout empêtrées.
Ta mère douce coud dans la salle à manger
où sentent bon les fruits, près de ta fiancée.

LE POÈTE, (Ayant gravi le perron, il entre dans la salle à manger.)

Tu avais mis tes bas à sécher sur la haie…
La vache en passant tout à l’heure les a mangés.