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pût y faire ses ablutions ; après quoi, lorsqu’il fût revenu au milieu de nous, nous passâmes le reste de la soirée à l’écouter nous parler de ses camarades italiens, dont le naturel franc et ouvert et le tempérament révolutionnaire nous étaient si sympathiques.

Le lendemain lundi, nous nous rendîmes, Bakounine, Galiero, Pezza et moi, avec les camarades du Vallon, au Val de Saint-Imier : nos nouveaux amis désiraient faire plus ample connaissance avec la Fédération jurassienne. Je trouve dans le calendrier-journal de Bakounine des indications relatives à cette petite excursion, qui comprit aussi le Locle et Neuchâtel :


Août 19. À 1 h. 40 partons, dames russes pour Zürich, nous pour Sonvillier, hôtel de la Balance. — 20. Sonvillier, James dans l’hôtel... Soir travaille et fais travailler. — 21. Travaillé toute la journée avec Cafiero et Pezza[1]. Soir assemblée des compagnons chez nous. — 22. Accompagnés des amis de Sonvillier, Cafiero, Pezza et moi allons au Locle. Soirée café Frey. — 23. Soir à la Chaux-de-Fonds. Soirée café de la Balance... — 24. À 3 h. arrivés Neuchâtel. Souper chez Guillaume. Pezza très fatigué. — 26. Matinée avec Guillaume ; à 3 h. ½ partons ; à 8 h. ½ arrivés à Zürich. — 26. Pezza hémorragie... »


Le Comité fédéral jurassien avait écrit d’urgence à la Fédération italienne, comme il en avait reçu le mandat, afin de l’engager à revenir sur sa décision, et à envoyer ses délégués à la Haye « pour y prendre part à la grande lutte entre l’autorité et le fédéralisme, qui allait décider de l’avenir de l’Internationale ». Au nom de la Commission de correspondance de la Fédération italienne, Costa, secrétaire de cette Commission, répondit d’Imola, le 24 août, qu’il n’était pas possible de révoquer une résolution prise d’un accord unanime par la Conférence de Rimini, et que, par conséquent, aucun délégué italien ne se rendrait à la Haye. Mais, à la suite d’un nouvel échange de lettres, les Italiens, tout en maintenant leur résolution de convoquer un Congrès « anti-autoritaire», consentirent à en modifier la date, qui fut reportée au 15 septembre ; et des considérations de convenance locale firent choisir Saint-Imier pour siège de ce Congrès, au lieu de Neuchâtel.

Comme on l’a vu, une souscription avait dû être ouverte dans les Sections de la Fédération jurassienne pour couvrir les frais de l’envoi de deux délégués à la Haye. Nos ressources étaient minimes, mais chacun fit un effort, et la somme nécessaire à notre voyage put être réunie.

Le vendredi 30 août, Schwitzguébel et moi nous partîmes de Neuchâtel par le premier train, pour nous rendre à la Haye par Bâle, l’Alsace-Lorraine, Namur et Bruxelles. J’emportais avec moi, pour les distribuer à la Haye aux délégués, une vingtaine d’exemplaires des cinq premières feuilles (80 pages) et d’une partie des pièces justificatives du Mémoire de la Fédération jurassienne : il n’avait pas été possible de pousser plus loin l’impression du volume avant le Congrès. Le même jour, Cafiero, de son côté, partait de Zürich : il voulait assister aussi au Congrès de la Haye, mais en simple spectateur. Il nous rejoignit à Bâle.

Le 19 août, Engels avait écrit ce qui suit à un de ses correspondants de Belgique, E. Glaser[2] :

  1. J’étais reparti la veille pour Neuchâtel.
  2. Ce Glaser était un personnage assez louche, brasseur d’affaires, et qui fut plus tard, dit-on, en rapport avec l’ambassade russe. Engels lui écrivait, comme on le verra, pour le charger de faire publier dans les journaux socialistes belges les nouvelles qu’il venait de recevoir au sujet de la Conférence de Rimini. Glaser n’imagina rien de mieux que de copier les principaux passages de la lettre d’Engels et de les envoyer, le 21 août, à Brismée, qu’il connaissait. Après le Congrès de la Haye, Brismée montra cette pièce intéressante à Joukovsky : celui-ci en prit copie, et c’est dans ses papiers que Nettlau l’a trouvée. (Nettlau, p. 612.)