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l’idée par de tels moyens, en perdant ceux qu’ils estiment être des obstacles[1].


Je me garderai bien de donner une analyse du factum de Marx. Quelques-uns d’entre nous eurent le tort de répondre à ce qui leur était personnel dans la brochure ; leurs réponses — celle de Teulière, ancien secrétaire de la Section française de Londres dite Section française de 1871, celles de Malon, de Bakounine, de Claris, la mienne, celle de Jules Montels — parurent dans le Bulletin du 15 juin (n° 11-12). Ce n’était vraiment pas la peine de relever, comme nous le fîmes alors, les injures qui nous étaient adressées ; la phrase par laquelle Bakounine commençait sa lettre (Locarno, 12 juin) eût suffi à exprimer notre sentiment et celui de l’immense majorité de l’Internationale :


L’épée de Damoclès dont on nous a menacés si longtemps vient enfin de tomber sur nos têtes. Ce n’est proprement pas une épée, mais l’arme habituelle de M. Marx, un tas d’ordures.


La conclusion de cette lettre de Bakounine vaut aussi d’être citée :


Rien ne prouve mieux la domination désastreuse de M. Marx dans le Conseil général que la présente circulaire. Parcourez les noms des quarante-sept signataires, et vous en trouverez à peine sept ou huit qui ont pu se prononcer dans cette affaire avec quelque connaissance de cause. Tous les autres, instruments complaisants et aveugles de la colère et de la politique marxiennes, ont contresigné une condamnation infamante contre nous, qu’ils n’ont jamais vus ni entendus, et qu’ils ont jugés et exécutés sans même avoir daigné nous adresser une question !

C’est donc ainsi que dans le Conseil général de Londres on entend la Justice, la Vérité, la Morale qui, d’après les considérants de nos Statuts généraux, doivent servir de bases à tous les rapports tant collectifs qu’individuels dans l’Association internationale des travailleurs ? Ah ! Monsieur Karl Marx, il est plus facile de les placer à la tête d’un programme que de les pratiquer.


Dans ce numéro du 15 juin du Bulletin, — douze pages entièrement consacrées à la polémique, — la note gaie était donnée par une lettre du «Gascon[2] » Lafargue, en date du 17 mai, adressée « Aux citoyens rédacteurs du Bulletin[3] », et par la réponse que lui faisait notre journal. Si la place dont je dispose en ce volume le permettait, je reproduirais in-extenso la lettre de Lafargue et la réponse du Bulletin. Mais cela m’est absolument impossible, et je me borne à une seule citation, — la conclusion de ma réplique. La voici :


Le dernier projectile que nous envoie l’Espagnol postiche[4], — et le plus lourd de tous, — c’est ce fameux volume de son beau-père, Das Kapital, que nous sommes censés n’avoir jamais lu : il est trop gros pour nous[5] !

  1. Lettre communiquée par Mme Charles Keller.
  2. C’est le surnom par lequel Marx désignait son gendre.
  3. Cette lettre ne nous avait pas été envoyée directement ; elle avait paru dans l’Égalité du 1er juin.
  4. Dans sa lettre, Lafargue avait reconnu que c’était lui qui avait figuré comme délégué au Congrès de Saragosse sous le nom de Pablo Farga.
  5. Lafargue avait écrit : « Je vous apprends que le Congrès de Saragosse a été vivement impressionné par la lecture du Mémoire sur la propriété, présenté par le Conseil fédéral. Ce travail a été écrit sous l’influence des théories de Karl Marx, « le seul abstracteur de quintessence qu'il y ait jamais eu dans l'Internationale ». Quand il sera publié, je vous conseille de le lire ; il vous donnera une idée de l'application de la méthode matérialiste à la science sociale ; je ne vous renvoie pas à son livre Das kapital, il est trop gros. »