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membres suivants : Charles Chopard, graveur ; Justin Guerber, graveur ; Alfred Andrié, monteur de boîtes, trésorier ; Paul Junet, graveur, secrétaire des séances ; Adhémar Schwitzguébel, graveur, secrétaire correspondant.


En France, un certain nombre de Sections de l’Internationale s’étaient reconstituées sous la forme de groupes secrets, et, d’autre part, les chambres syndicales se réorganisaient. Au moment de quitter Paris, Gustave Jeanneret nous avait envoyé une correspondance[1] qui parut dans le Bulletin du 15 mai (n° 7) ; il y disait : « Il s’effectue en ce moment à Paris un mouvement excellent en principe, sur lequel il ne faudrait cependant pas s’illusionner... Ce mouvement a pour objet la constitution des corporations par l’organisation des chambres syndicales. C’est là le point de départ de toute organisation ouvrière, et le fondement solide sur lequel on peut baser toute action ultérieure... J’ai constaté que ce mouvement n’était pas encore très conscient, et surtout qu’il n’obtenait pas encore l’unanimité désirable... Le sentiment de la solidarité qui devrait réunir, d’abord les membres d’une corporation, ensuite les diverses corporations, n’est pas beaucoup développé depuis les derniers événements... Quant à l’Internationale, il y a, m’a-t-on dit, des Sections complètement réorganisées depuis plusieurs mois. J’ignore quelle impression aura produite sur elles la promulgation de la loi versaillaise[2]. En ce qui concerne la masse, j’ai remarqué une prudence extrême, un soin excessif d’éviter toute relation avec l’Association conspuée. La loi contre l’Internationale éloignera certainement un grand nombre d’adhérents, mais la propagande des idées internationalistes ne sera pas amoindrie. Sans s’en douter, les réunions ouvrières auxquelles j’ai assisté depuis quelques mois manifestent des sentiments excellents, qui sont d’accord avec les aspirations générales de l’internationale. »


En Italie, un événement qui eut une grande importance sur le développement de l’Internationale dans ce pays se produisit au cours des mois d’avril et de mai : Cafiero fit la connaissance personnelle de Bakounine et devint son ami. J’ai dit comment Cafiero était en correspondance suivie avec Engels, et comment les lettres de celui-ci finirent par produire sur le destinataire un effet tout opposé à celui qu’en attendait le secrétaire du Conseil général pour l’Italie et l’Espagne : certaines théories politiques émises par Engels révoltèrent en Cafiero à la fois son bon sens et ses instincts révolutionnaires[3] ; et le dénigrement systématique à l’égard de Bakounine lui donna à penser qu’il y avait là un parti pris de noircir un adversaire, et lui fit désirer d’apprendre à connaître personnellement l’homme ainsi maltraité, afin de pouvoir le juger par lui-même. Cafiero se mit donc en relations épistolaires avec Bakounine, et lui envoya quelques-unes des lettres écrites par Engels, afin de le mettre à même de s’expliquer sur les accusations dont il y était l’objet. Avec l’autorisation de Cafiero, Bakounine me communiqua ces lettres ; je les trouvai véritablement édifiantes, et j’en fis mention dans le n° 6 du Bulletin (10 mai), comme on le verra plus loin (p. 290).

Toutefois, s’il se rapprochait d’un homme qu’avaient signalé à son attention les écrits publiés par lui contre Mazzini, Cafiero, persistant encore dans cette neutralité qu’il avait observée jusque-là, ne songeait point à rompre avec Londres. Le 16 mai, il écrivait de Naples, à propos de Stefanoni, rédacteur du Libero Pensiero, et de ses attaques contre l’Inter-

  1. Il est possible aussi qu’il n’ait rédigé cette correspondance qu’après son retour à Neuchâtel ; j’ai oublié ce point.
  2. Il s’agit de la loi Dufaure, punissant de cinq ans de prison toute personne qui serait convaincue de faire partie de l’Association internationale des travailleurs.
  3. Dans une de ses lettres, Engels développait cette idée, que Bismarck et le roi Victor-Emmanuel avaient rendu l’un et l’autre un service énorme à la révolution, en créant dans leurs pays respectifs la centralisation politique.