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Congrès général, destiné à mettre un terme aux tendances autoritaires manifestées par le Conseil général et à faire rentrer ce dernier dans les limites de ses attributions ». La rédaction ajoutait, en son propre nom : « Nous nous associons à ce document et nous félicitons les Sections italiennes qui ont déjà adhéré à la proposition de la Fédération jurassienne.»

Quatre autres journaux italiens avaient déjà publié la circulaire de Sonvillier, ou la reproduisirent à ce même moment : l’Eguaglianza de Girgenti, inspirée par Saverio Friscia, la Campana de Naples, où écrivaient Palladino, Cafiero et Covelli, et qui se signalait par la modération de son langage, le Proletario du Turin, que rédigeait Terzaghi[1], le Fascio operaio de Bologne.

Avant de quitter l’Italie, je dois dire quelques mots du petit volume de Bakounine, La Théologie politique de Mazzini et l’Internationale, qui parut à la fin de 1871 et prit place dans la série des publications de notre Commission de propagande socialiste de Saint-Imier[2]. Il est inutile d’en donner ici une analyse ; tout le monde en pourra lire bientôt le texte dans la réimpression qui en sera faite (dans la collection des Œuvres de Bakounine). Je me bornerai à reproduire une phrase extraite de la belle page où Bakounine, après avoir montré dans le Satan biblique le symbole de la révolte, déclare que le Satan moderne, c’est le prolétariat parisien, l’auteur de cette sublime insurrection de la Commune que Mazzini a maudite, — parce que la connaissance de cette phrase est nécessaire pour l’intelligence de la lettre (que j’aurai à donner en son lieu) adressée, le 6 août 1872, à Bakounine par la Conférence de Rimini. La voici :


Selon la doctrine mazzinienne aussi bien que chrétienne, le Mal, c’est la révolte satanique de l’homme contre l’autorité divine, révolte dans laquelle nous voyons au contraire le germe fécond de toutes les émancipations humaines. Comme les Fraticelli de la Bohème au XIVe siècle[3], les socialistes révolutionnaires se reconnaissent aujourd’hui par ces mots : Au nom de celui à qui on a fait grand tort.


Je signale en outre le passage déjà reproduit (tome Ier, p. 242), où Bakounine raconte comment il vit Mazzini à Londres en 1862, et comment celui-ci avait pris noblement sa défense contre les calomnies par lesquelles des émigrés allemands avaient essayé de tuer moralement le révolutionnaire russe alors enfermé dans les forteresses du tsar ; — un passage sur la propriété, définissant notre conception collectiviste : « Seul le travail collectif crée la civilisation et la richesse. Cette vérité une fois comprise et admise, il ne reste que deux formes possibles de propriété ou d’exploitation de la richesse sociale : la forme bourgeoise actuelle, c’est-à-dire l’exploitation de cette richesse, produit du travail collectif, ou plutôt l’exploitation du travail collectif, par des individus privilégiés, ce qui est

  1. Terzaghi avait louvoyé d’abord entre le Conseil général et nous, soit qu’il n’eût pas encore compris de quoi il s’agissait, soit plutôt qu’il eût voulu ménager la chèvre et le chou. On lit dans L’Alliance de la démocratie socialiste, etc., p. 43 : « Le 4 décembre, Carlo Terzaghi demande au Conseil général de l’argent pour son journal le Proletario. Ce n’était pas la mission du Conseil général de pourvoir aux besoins de la presse ; mais il existait à Londres un Comité qui s’occupait de réunir quelques fonds pour venir en aide à la presse internationale. Le Comité était sur le point d’envoyer un subside de cent cinquante francs, quand le Gazzetino rosa annonça que la Section de Turin avait pris ouvertement parti pour le Jura... Devant cette attitude hostile à l’Internationale (sic), le Comité n’envoya pas l’argent. »
  2. La Théologie politique de Mazzini et l’Internationale, par M. Bakounine, membre de l’Association internationale des travailleurs. Première partie : L’Internationale et Mazzini. Un volume petit in-8o de 111 pages. Prix : 1 franc. Imprimerie G. Guillaume fils, Neuchâtel. Commission de propagande socialiste [Saint-Imier], 1871.
  3. Les Fraticelli étaient une secte d’hérétiques qui avaient pris parti pour Satan, le grand calomnié, contre Dieu, son injuste persécuteur. Ils se saluaient entre eux en invoquant l’ange révolté, qu’ils appelaient « Celui à qui on a fait grand tort ».