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Mais je dois, ici, achever l’histoire d’un autre manuscrit plus considérable, celui qui était destiné à former la seconde livraison de L’Empire knouto-germanique. J’ai dit (p. 160) que Bakounine m’avait repris les feuillets 139-285 de ce travail, et qu’il avait rédigé du 5 juin au 13 juillet un « Préambule pour la seconde livraison » (il en écrivit quelques feuillets seulement). Il m’avait écrit, le 10 juin, que le manuscrit de cette seconde livraison ne tarderait pas à m’arriver au complet, et qu’il avait confiance que la somme nécessaire pour l’impression se trouverait bientôt (p. 155).

D’autre part, Sibiriakof m’avait écrit de Munich, le 9 juin, en me répétant qu’il ne pouvait plus envoyer d’argent pour le moment ; que peut-être il pourrait en envoyer dans un ou deux mois, mais que « en tout cas la somme envoyée ne dépasserait pas deux cents francs ». Ensuite je n’avais plus entendu parler de rien, jusqu’au 20 septembre. Ce jour-là, je reçus une lettre de Sibiriakof, du 23, me demandant de lui fournir à nouveau le devis de l’impression de la seconde livraison, qu’il avait égaré ; il ajoutait que, sans qu’il put promettre positivement d’envoyer l’argent, il était très probable qu’il serait en mesure de le faire. Je lui expédiai le devis demandé (512 francs, se divisant ainsi : 8 feuilles à 55 fr. pour mille exemplaires, 440 fr. ; mille couvertures, 24 fr. ; brochage, 6 fr. par feuille pour mille exemplaires, 48 fr.) ; mais je ne reçus point d’argent, et Bakounine renonça à me renvoyer son manuscrit, préférant employer pour l’impression de la brochure Mazzini les ressources qu’il pourrait recueillir. Son calendrier-journal indique qu’il reçut de Sibiriakof deux cents francs le 11 octobre.

Le contenu des feuillets 139-210 du manuscrit de L’Empire knouto-germanique avait été composé à Genève à l’Imprimerie coopérative ; cette composition (dont il existe une épreuve parmi les papiers laissés par Bakounine) formait un chapitre intitulé Sophismes historiques de l’École doctrinaire des communistes allemands ; elle est restée inutilisée. Les feuillets 149-247 du manuscrit (moins les feuillets 211-213, perdus) ont été publiés en 1882 à Genève, par les soins de nos amis Carlo Cafiero et Élisée Reclus, sous ce titre qui est de leur invention : Dieu et l’État. L’avertissement que les deux éditeurs ont placé en tête de ce petit volume montre qu’ils ne connurent pas le véritable caractère des feuillets qu’ils avaient entre les mains : ils ne soupçonnèrent point qu’ils se trouvaient en présence d’une partie de ce qui aurait formé, si l’argent n’eût pas manqué pour en faire l’impression en 1871, la seconde livraison de L’Empire knouto-germanique ; ils disent, en effet : « Le mémoire que nous publions aujourd’hui n’est en réalité qu’un fragment de lettre ou de rapport. Composé de la même manière que les autres écrits de Bakounine, il a le même défaut littéraire, le manque de proportions ; en outre, il est brusquement interrompu ; toutes les recherches faites par nous pour retrouver la fin du manuscrit ont été vaines. » Cette dernière assertion est incompréhensible pour moi : car cette fin du manuscrit — qui existe encore aujourd’hui — devait être, aussi bien que la partie publiée par Reclus et Cafiero, dans la caisse contenant les papiers inédits de Bakounine, caisse qui m’avait été envoyée en 1877, et que j’ai remise à Élisée Reclus en 1878. Les feuillets 248-280, que Reclus et Cafiero n’avaient pu « retrouver », sont encore inédits.

Bakounine avait écrit, du 5 au 15 avril 1871, cinquante-cinq feuillets, 286-340, qui forment une longue note se rattachant à la dernière phrase du feuillet 285 ; le contenu de ces feuillets a été publié en 1895 par Max Nettlau, sous ce même titre Dieu et l’État qu’avaient choisi les éditeurs des feuillets 149-247, aux pages 263-326 du volume intitulé Michel Bakounine : Œuvres (Paris, Stock). Quant aux quatorze feuillets écrits en juin-juillet 1871 pour servir de « Préambule pour la seconde livraison », le commencement en a paru sous le titre : La Commune de Paris et la notion de l’État, par les soins d’Élisée Reclus, dans le Travailleur, de Genève, en 1878 ; le texte complet de ces feuillets inachevés a été publié ensuite à Paris, en 1892, sous le même titre, par Bernard Lazare, dans les Entretiens politiques et littéraires.