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nous à la Conférence de Londres, et avait proposé que ce délégué fût moi. Je refusai catégoriquement d’accepter une semblable mission. Je pressentais qu’à Londres je me serais trouvé en présence d’une majorité prévenue, parfaitement résolue à fermer l’oreille à tout plaidoyer ; ma situation, comme représentant des Sections des Montagnes, aurait été celle d’un accusé comparaissant devant des juges dont il reconnaît la compétence et dont il accepte la sentence : ne valait-il pas mieux, puisque nous étions condamnés d’avance, qu’on ne pût pas se prévaloir de ce qu’un défenseur de notre cause aurait esquissé le simulacre d’une vaine défense, et qu’il fût, au contraire, bien constaté qu’on nous condamnait sans nous avoir entendus ? D’ailleurs, il ne m’était pas possible de quitter, pour une si longue absence, l’imprimerie où j’étais employé et où ma présence était, à ce moment, plus indispensable que jamais.

Il avait été question, un instant, dans le courant d’août, de confier notre délégation à Malon, qui, en arrivant à Genève, avait parlé de se rendre en Angleterre, où Mme  André Léo avait d’abord projeté de se fixer. Mais ce projet fut abandonné presque en même temps que formé, Malon ayant renoncé à l’idée d’aller à Londres et s’étant décidé à rester à Genève, où il s’occupait à écrire son livre sur la Commune, La Troisième défaite du prolétariat français, dont l’impression se fit en septembre et octobre à Neuchâtel, dans l’atelier G. Guillaume fils, sous ma surveillance.

Le Comité fédéral de Saint-Imier avait écrit, le 6 août, au Conseil général pour lui annoncer son entrée en fonctions, et lui demander de renouer la correspondance interrompue. Le Conseil général ne répondit rien (le secrétaire correspondant Hermann Jung ne lui ayant pas même communiqué la lettre), et aucune invitation ne fut adressée à notre Comité fédéral pour la Conférence. Nos Sections, consultées sur la résolution à prendre, décidèrent que, vu la situation, et en particulier les obstacles matériels, qui eussent été presque impossibles à surmonter, elles n’enverraient pas de délégué à Londres. En conséquence, le Comité fédéral écrivit la lettre suivante, adressée à la Conférence qui allait s’ouvrir le 17 septembre :


Aux membres de l’ Association internationale des travailleurs,
réunis en Conférence à Londres.
Compagnons,

C’est le cœur navré que, au milieu des événements pleins de terribles conséquences qui se déroulent en Europe, nous voyons ceux qui ont la mission de travailler au développement de notre Association conserver à l’égard de toute une Fédération de l’Internationale un silence injuste et compromettant.

Le 6 août dernier, en annonçant au Conseil général par l’intermédiaire du citoyen Hermann Jung, secrétaire pour la Suisse, le renouvellement de notre Comité fédéral, nous l’invitions, après un an de silence, à se mettre en relations suivies avec nous, désireux de remplir toutes nos obligations internationales, comme aussi d’être constamment au courant des renseignements émanant du Conseil général. Nous n’avons obtenu aucune réponse.

Nous apprenons aujourd’hui indirectement qu’une Conférence extraordinaire est convoquée à Londres pour le 17 septembre. Il était du devoir du Conseil général d’en aviser tous les groupes régionaux ; nous ignorons pourquoi il a gardé le silence à notre égard. Malgré cela, nous aurions envoyé à Londres un délégué, si nos moyens financiers nous l’eussent permis ; mais les nombreux sacriices que nous devons nous imposer pour l’accomplissement d’un devoir sacré[1] ont épuisé nos faibles ressources.

  1. Les secours aux réfugiés de la Commune.