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tirai jamais à me mettre dans la position de recevoir un pardon lorsque c’est moi qui dois pardonner.

Qu’on ne dise pas que je dois faire un sacrifice pour la paix, pour le bien de l’Internationale. Jamais aucun bien ne pourra être obtenu par une lâcheté. Nous n’avons pas le droit de nous abaisser devant eux, parce qu’en nous abaissant nous abaisserions notre cause et notre principe, et pour sauver l’apparence, le mensonge de l’Internationale, nous en sacrifierions la vérité et la réalité.

Je pense en général que ce n’est pas par une politique de lâches concessions et de chrétienne humilité, mais seulement par le ferme et franc maintien de notre droit, que nous pourrons triompher de nos ennemis, pour le bien même de l’Internationale. Notre droit n’est-il pas assez clair ? N’avons-nous pas souffert depuis plus d’un an toutes les attaques, toutes les calomnies, toutes les intrigues, sans nous défendre et sans même répondre ? Notre silence a été une grande faute, notre dissolution serait un suicide honteux.

Voici le plan que je vous propose en opposition à celui de Guillaume :

1° Adressons un Mémoire justificatif au Comité fédéral de Saint-Imier, le seul que nous puissions reconnaître, — j’ai déjà envoyé la première partie d’un projet de mémoire à James, je lui en enverrai dans ces jours la fin. Il est trop long, mais il contient tous les éléments de notre défense, et il sera facile soit à Jouk, soit à Perron, soit à James, d’en faire un mémoire très court, — et, après y avoir établi par des faits la justice de notre cause, notre droit, déclarez, si vous le trouvez bon et le décidez à l’unanimité, — quoique vraiment je n’en voie aucune nécessité, — déclarez que pour le bien de l’Internationale (ce qui serait toujours un aveu implicite que vous avez été le mal) vous voulez bien vous dissoudre, mais pas avant qu’on ait publiquement reconnu, soit dans un Congrès, soit dans cette Conférence de Londres, votre droit, l’injustice des attaques qu’on a soulevées contre vous et la généreuse grandeur de votre dissolution volontaire.

2° La Fédération des Montagnes peut-elle, doit-elle faire le même sacrifice ? Doit-elle aussi se dissoudre pour se soumettre à la despotique direction du Comité fédéral de Genève, baisser pavillon devant Outine, Perret, Becker et compagnie[1] ? Il me paraît que poser cette question, c’est la résoudre. C est comme si l’on demandait : Faut-il, sous le prétexte de faire une unité apparente dans l’Internationale de la Suisse romande, sacrifier son esprit, et tuer le seul corps qui soit constitué selon cet esprit ?

Je vous répète ce que j’ai écrit à Guillaume. Un tel sacrifice serait une lâcheté gratuite, mais nullement obligatoire.

Enfin, mes chers amis, croyez-vous vraiment que l’Internationale soit arrivée à ce point en Europe, qu’on ne puisse plus vivre, respirer, agir dans son sein que par une série d’actes humiliants mais diplomatiques, que par la lâcheté, que par l’intrigue ? S’il en était ainsi, l’Internationale ne vaudrait plus un sou, il faudrait vite la dissoudre comme une institution bourgeoise ou dépravée par l’esprit bourgeois. Mais ne lui faisons pas cette injure. Ce n’est pas elle qui est devenue

  1. Il n’avait jamais été question de semblable chose. Bakounine formule une hypothèse que personne n’avait émise.