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dant l’élection de la Commune. Par quelle série de fatalités un mouvement si bien commencé échoua-t il si misérablement ? c’est ce qui sera expliqué dans la brochure dont nous avons parlé ; on y verra quels sont les hommes qui ont trahi la cause du peuple, et sur qui doit tomber la responsabilité de l’échec du 28 septembre.

Dès ce moment, le sentiment de tous les socialistes fut que la France était perdue. On avait laissé échapper l’instant décisif ; à supposer même qu’un autre mouvement eût réussi, en octobre ou en novembre, il était trop tard pour réparer le mal ; mais en septembre la révolution de Lyon, si elle eût triomphé, pouvait encore tout sauver.

Néanmoins, un mouvement tout à fait pareil eut lieu à Marseille au commencement de novembre, après la trahison de Bazaine, et cette fois il réussit entièrement. La Commune révolutionnaire siégea pendant trois jours à l’hôtel de ville ; le général Cluseret fut nommé commandant de la garde nationale ; puis tout à coup, sans qu’on put comprendre les raisons d’une pareille faiblesse, la Commune déposa sa démission entre les mains du préfet Gent, envoyé par Gambetta ; et le peuple, abandonné par ceux auxquels il avait donné le mandat de le représenter, se vit Grosjean comme devant. « Il fallait à tout prix éviter l’effusion du sang, » disent ceux qui veulent justifier cette attitude de la Commune de Marseille. Ce sentiment d’humanité est honorable sans doute, mais ce n’est pas la réaction qui se laisserait arrêter par des scrupules de ce genre.

L’Internationale fut l’âme des mouvements de Lyon et de Marseille ; c’est elle qui avait compris la première que la révolution seule pouvait rendre à la France l’énergie dont elle avait besoin , c’est elle qui a été vaincue et persécutée par la réaction à Lyon et à Marseille ; et c’est elle qui reste, suivant l’expression de l’écrivain parisien Robert Halt, « l’esprit et le sel de la terre », l’armée de la révolution future.

Les ouvriers parisiens, bien que privés de toute communication avec le dehors, se trouvèrent avoir exactement le même programme que leurs amis du reste de la France. Eux aussi, ils voulaient enlever au gouvernement de la Défense nationale un pouvoir dont il se servait beaucoup plus contre le peuple que contre les Prussiens, et remplacer l’incapable Trochu, le mielleux Jules Favre, le pleurard Jules Simon et leur séquelle, par des hommes qui prissent au sérieux la défense de Paris. Le mouvement du 31 octobre ne fut pas, comme le gouvernement essaya de le faire croire, une simple échauffourée blanquiste ; ce fut une véritable révolution populaire, à laquelle l’Internationale prit sa large part. Il s’agissait d’obtenir la démission du gouvernement et de faire élire, dans les quarante-huit heures, la Commune de Paris. Le peuple remporta une victoire complète ; ceux des membres du gouvernement qui refusèrent de donner leur démission furent gardés prisonniers ; les autres signèrent une pièce convoquant immédiatement les électeurs parisiens pour la nomination de la Commune. Cette pièce, dont l’existence a été niée depuis par ses signataires, existe bien réellement : un membre de l’Internationale nous a affirmé l’avoir vue de ses yeux, touchée de ses mains. Le peuple, considérant la journée comme finie, regagna ses quar-