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du socialisme se fera de nouveau entendre chez nous ; nous pourrons juger à notre point de vue international, qui est celui de la justice et de la liberté, les événements importants ; nous pourrons répondre aux calomnies, réfuter les mensonges, rétablir les faits dans leur vrai jour ; et en lisant notre journal, en comparant nos principes à ceux des hommes qui ont attiré sur l’Europe tant de malheurs ou qui n’ont pas su les conjurer, les ouvriers verront mieux que jamais que le salut de l’humanité est dans la réorganisation sociale.

Nous ne pouvons pas résumer ici la série des événements auxquels nous avons assisté depuis le mois de septembre. Il est nécessaire pourtant que la vérité soit connue tout entière ; aussi exposerons-nous, dans une brochure spéciale qui est en ce moment sous presse[1], les principaux actes du drame qui vient de se jouer en France ; nous y dirons surtout la part qu’y ont prise les socialistes, et ce qu’ils ont fait pour essayer de sauver la République.

Mais dès à présent il sera utile de donner quelques éclaircissements sur des faits qui ont été étrangement dénaturés par la presse bourgeoise.

Dès le commencement de septembre, il fut clair pour les ouvriers français que le gouvernement de la soi-disant Défense nationale ne prenait pas sa tâche au sérieux, et que, loin de vouloir sauver la France en faisant appel à l’enthousiasme révolutionnaire, il avait une peur horrible de la révolution et qu’il préférait les Prussiens au socialisme. Dès lors, sans qu’il y eût eu entente préalable, les ouvriers des grandes villes françaises, animés de la même pensée, se dirent qu’il n’y avait qu’un moyen de faire face au danger : l’initiative spontanée et libre de chaque ville, de chaque commune, affranchies des entraves que mettait à leur action le gouvernement.

Des tentatives dans ce sens furent faites à Strasbourg, à Mulhouse, à Metz, à Lille, à Rouen, à Brest, dans plusieurs villes du Midi ; mais ce sont les mouvements de Lyon et de Marseille qui ont eu le plus de retentissement, et nous ne parlerons ici que de ceux-là.

Vers la fin de septembre, les ouvriers de Lyon, voyant que Paris, bloqué par l’ennemi, ne pouvait plus diriger la France, et que le gouvernement était tombé aux mains d’hommes qui n’étaient pas à la hauteur de la situation, résolurent de prendre cux-mêmes en mains leurs affaires, et d’entraîner la France dans un effort suprême. À la suite de nombreuses réunions publiques, il fut décidé que la municipalité de Lyon serait invitée à donner sa démission et remplacée par une Commune révolutionnaire ; les villes ilu Midi auraient suivi cet exemple, et une Convention, composée de délégués des communes, et siégeant à Lyon, aurait remplacé l’incapable délégation de Tours et aurait inprimé à la défense cette énergie et cette passion qui ont enfanté les prodiges de 1793. Le 28 septembre, le peuple se porta en masse à l’hôtel de ville de Lyon ; une partie du conseil municipal donna sa démission, une commission provisoire fut installée en atten-

  1. On voit que nous comptions encore réaliser notre projet de la publication de la brochure d’actualité. Nous en fûmes empêchés par les événements, qui allaient nous imposer des préoccupations nouvelles et absorber notre activité d’une autre façon.