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définitivement la Commune révolutionnaire, dont il proposa la constitution à la sanction de la préfecture.

Le Conseil municipal s’émut alors, et se donna rendez-vous à deux heures à l’hôtel de ville. Celui-ci était occupé par la Commune révolutionnaire, non encore, cependant, légalement constituée. Le Conseil télégraphia à Tours, et en même temps fit appel au général de la garde nationale, Marie, qui massait devant l’hôtel de ville seize bataillons de la garde nationale. Mais Delpech dissolvait alors le Conseil municipal, et, après quelque discussion sur les noms, sanctionnait la Commune révolutionnaire, dont Bastelica et Combe étaient membres, et Eugène (?) secrétaire. La garde nationale se retirait là-dessus. À ce moment, Marie recevait de Tours pleins pouvoirs civils et militaires, en remplacement d’Esquiros et de Delpech, et Delpech n’en était pas même averti ! En même temps, Marie avait ordre de mettre Marseille en état de siège.

Esquiros et Delpech, dès qu’ils l’eurent appris, donnèrent défense aux imprimeurs d’imprimer les affiches proclamant l’état de siège. Ils furent obéis, et Marie dut se résigner à notifier la proclamation de vive voix uniquement à l’état-major qui l’entourait.

Le lendemain [mardi 1er novembre], cependant, les faits furent connus en ville, et dès dix heures du matin la population ouvrière courait aux armes. Au nombre environ de sept à huit mille, nous nous rendîmes à la préfecture, unis à la garde civique ; ayant mis au milieu de nos rangs la Commune révolutionnaire, nous la conduisîmes à l’hôtel de ville, où elle fut solennellement installée.

Ses premiers actes furent : ordre d’arrestation du général Marie et du général Rose ; appel au général Cluseret pour se mettre à la tête des forces du Midi, appel également appuyé par la Ligue du Midi.

Je me trouvais dans les rangs de la 2e compagnie de la garde civique, qui fut commandée pour procéder à l’arrestation de ces personnages. Hélas ! les oiseaux avaient déserté. Nous ne trouvâmes personne.

La Commune s’empara aussitôt du télégraphe. Le directeur et l’inspecteur, ayant refusé de communiquer et de transmettre des dépêches sur la réquisition de la Commune, furent arrêtés.

Le général Cluseret arriva et fut d’abord acclamé. Mais le 3e, le 4e, le 8e et le 12e bataillons de la garde nationale, bataillons réactionnaires et bourgeois, refusèrent de le reconnaître, et leurs officiers nommèrent général le colonel clérical de la garde nationale, Nicolas.

À ces nouvelles, Tours nomma Alphonse Gent administrateur du département [en remplacement d’Esquiros], avec pleins pouvoirs civils et militaires. On répondit en affichant sur tous les murs, en gros caractères, ces mots : Nous voulons le maintien d’Esquiros, et en signant de tous côtés des protestations en faveur d’Esquiros.

Cependant Gent prenait le chemin de Marseille. Il était connu comme démocrate éprouvé et énergique, et l’on avait l’espoir qu’il se serait entendu avec Esquiros et qu’ils auraient administré de concert et ensemble. Une députation fut envoyée à sa rencontre à ce sujet jusqu’à Arles, dans l’espoir de l’amener à une entente. Il se montra inflexible. À la gare de Marseille [mercredi 2 novembre], il était attendu par la bourgeoisie, qui lui fit bon accueil. Mais tout le long du chemin et à la préfecture, ce ne fut qu’un cri : Vive Esquiros !