Mon vieil ami. Je l’enverrai immédiatement notre proclamation qui fait appel au peuple pour jeter bas tous les pouvoirs qui restent et qui gênent[1]. Cette nuit nous allons arrêter nos principaux ennemis ; demain la dernière bataille, et, nous l’espérons, le triomphe.
Envoie Henry [Sutherland] chez Lindegger. Probablement G[uillaume] a déjà fait parvenir la brochure. Sinon, qu’Henry prie Lindegger de vous l’apporter aussitôt qu’il l’aura reçue. Et dès que tu l’auras reçue, que notre ami, le vaillant colonel[2], l’apporte immédiatement, sans perdre une minute, à Lyon. Directement chez Palix, Cours Vitton, 41, entrée par la rue Masséna, 20, au premier. La brochure est indispensable, nous l’attendons tous.
Le lundi 26, nouvelle réunion publique à la Rotonde ; Saignes préside ; Beauvoir donne lecture de l’affiche, qui est applaudie par la foule et dont la rédaction est adoptée à l’unanimité. Le président annonce qu’elle sera placardée sur tous les murs de la ville, et ajoute : « C’est notre tête que nous jouons en signant cette affiche, si nous ne réussissons pas ; mais le moment est venu ! Vaincre ou mourir[4] ! »
Voici le texte de ce document :
La situation désastreuse dans laquelle se trouve le pays ; l’impuissance des pouvoirs officiels et l’indifférence des classes privilégiées ont mis la nation française sur le bord de l’abîme.
Si le peuple organisé révolutionnairement ne se hâte d’agir, son avenir est perdu, la Révolution est perdue, tout est perdu. S’inspirant de l’immensité du danger, et considérant que l’action désespérée du peuple ne saurait être retardée d’un seul instant, les délégués des Comités fédérés du Salut de la France, réunis au Comité central, proposent d’adopter immédiatement les résolutions suivantes :
Article premier. — La machine administrative et gouvernementale de l’État, étant devenue impuissante, est abolie.
Le peuple de France rentre en pleine possession de lui-même.
Art. 2. — Tous les tribunaux criminels et civils sont suspendus et remplacés par la justice du peuple.
Art. 3. — Le paiement de l’impôt et des hypothèques est suspendu. L’impôt est remplacé par les contributions des communes fédérées, prélevées sur les classes riches, proportionnellement aux besoins du salut de la France.