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On le voit, nous n’obéissons pas à des rancunes mesquines, nous ne combinons pas des intrigues perfides. Nous demandons l’union au nom de nos intérêts communs, l’union d’abord purement géographique, qui deviendra plus tard, par la discussion et la propagande, l’union dans les mêmes principes.

Nous aurons ainsi deux fédérations, non plus ennemies ou rivales, mais véritablement sœurs et unies par un lien de solidarité : l’une, comprenant toutes les Sections formées ou à former dans les cantons de Genève et de Vaud, et dans la région avoisinante, pourra s’appeler la Fédération romande ; et l’autre, comprenant toutes les Sections formées ou à former dans le Jura, s’appellerait la Fédération jurassienne.

Les circonstances sont critiques pour l’Internationale : plus que jamais nous avons besoin d’union, de dévouement, d’abnégation des préoccupations personnelles. Nous espérons que tous le comprendront.


Pendant que nous tenions ce langage de concorde, sait-on à quoi s’occupaient, à Genève, ces meneurs du Temple-Unique à qui nous n’avions cessé de tendre la main de la réconciliation, ces hommes qui avaient accepté nos subsides pendant la grève et que nous avions espéré un moment avoir gagnés aux idées d’apaisement et de solidarité ? On ne le devinerait jamais. Ils s’occupaient — sans se laisser distraire de leurs haines par la gravité des événements qui, en Europe, passionnaient tous les esprits — à faire le procès à des socialistes qui avaient commis le crime de penser autrement qu’eux sur certains points, afin de les expulser de l’Internationale. J’ai dit plus haut (p. 19) comment, dès le 16 avril, Bakounine, Perron, Joukovsky et Henry Sutherland avaient été mis en accusation, sur la proposition d’Outine ; la Section centrale de Genève avait décidé qu’ils seraient cités à comparaître devant elle pour être jugés. Voici la lettre qui fut adressée à chacun d’eux[1] :

« Genève, le 13 mai 1870. — Citoyen, vous êtes appelé à vous présenter à l’assemblée générale de la Section centrale qui aura lieu le 15 mai, à deux heures après-midi, au Temple-Unique, pour explications à donner sur les faits qui se sont passés au Congrès romand. — Au nom de l’assemblée générale du 16 avril : le secrétaire, Charles Reymond. »

Joukovsky répondit le 14 mai par une lettre dans laquelle il se déclarait prêt à fournir des explications, pourvu qu’on voulût bien spécifier sur quels points elles devaient porter. Je crois que ni lui, ni Bakounine (qui venait d’arriver à Genève), ni Perron, ni Sutherland ne se présentèrent à l’assemblée du lendemain. Celle-ci donna défaut contre eux et commença la procédure. Le grief formulé contre les quatre accusés était que, connue membres de la Section de l’Alliance, ils appartenaient à une fédération hostile au groupe du Temple-Unique : d’où la conclusion qu’ils devaient être expulsés de la Section centrale de Genève. L’affaire traîna pendant les mois de juin et de juillet. Enfin, au commencement d’août, une nouvelle citation fut envoyée aux accusés[2] :

« Citoyen, je viens par la présente vous convoquer pour l’assemblée de la Section centrale qui aura lieu samedi le 13 août. Je crois de mon devoir de vous prévenir qu’il sera lu à l’assemblée une lettre lui demandant votre renvoi de la Section. Salut et fraternité. Le président, E. Machado. »

Bakounine envoya aussitôt, de Locarno, la réponse suivante :

  1. Je reproduis, d’après Nettlau (p. 401), le texte de l’exemplaire envoyé à Joukovsky.
  2. Je reproduis, d’après Nettlau (p. 403), le texte de l’exemplaire adressé à Bakounine, ainsi que la réponse de celui-ci.