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amis de Paris[1] — pour achever l’organisation de l’Internationale en France, et pour préparer un vaste mouvement qui, avec la France, englobât l’Espagne, l’Italie, la Suisse et la Belgique : la guerre, déchaînée par deux gouvernements despotiques, était la ruine de nos espérances.

Quelques jours avant la déclaration de guerre, l’Internationale parisienne avait protesté par une Adresse publiée dans le Réveil du 12 juillet, et revêtue de nombreuses signatures[2]. On y lisait : « Frères d’Allemagne, au nom de la paix, n’écoutez pas les voix stipendiées ou serviles qui chercheraient à vous tromper sur le véritable esprit de la France. Restez sourds à des provocations insensées, car la guerre entre nous serait une guerre fratricide. Restez calmes, comme peut le faire, sans compromettre sa dignité, un grand peuple fort et courageux. Nos divisions n’amèneraient, des deux côtés du Rhin, que le triomphe complet du despotisme. » De Berlin vint une réponse signée, au nom des membres de l’Association internationale des travailleurs à Berlin, par Gustave Kwasniewski[3], disant : « Animés de sentiments fraternels, nous unissons nos mains aux vôtres, et nous vous affirmons comme des hommes d’honneur, qui ne savent pas mentir, qu’il ne se trouve pas dans nos cœurs la moindre haine nationale, que nous subissons la force et n’entrons que contraints et forcés dans les bandes guerrières qui vont répandre la misère et la ruine dans les champs paisibles de nos pays ».

Au Reichstag, lorsque le gouvernement allemand demanda l’autorisation de contracter un emprunt de guerre de cent vingt millions de thalers, Bebel et Liebknecht s’abstinrent (21 juillet), en déclarant « qu’ils ne pouvaient pas voter en faveur de l’emprunt de guerre, parce que ce serait un vote de confiance envers le gouvernement prussien, qui par sa conduite en 1866 avait préparé la guerre actuelle; mais qu’ils ne pouvaient pas non plus refuser l’emprunt demandé, car leur vote pourrait être interprété comme une approbation de la politique déloyale et criminelle de Bonaparte ». Schweitzer montra une certaine crânerie, il vota l’emprunt.

Le Conseil général de Londres publia un Manifeste dû à la plume de Karl Marx, dont voici le passage essentiel, caractéristique du point de vue de son auteur : « Du côté allemand, cette guerre est une guerre défensive. Mais qui a mis l’Allemagne dans la nécessité de se défendre ? qui a fourni à Bonaparte l’occasion de lui faire la guerre ? La Prusse... Si la classe ouvrière allemande souffre que la guerre actuelle perde son caractère strictement défensif et dégénère en une guerre contre le peuple français, la victoire ou la défaite seront pour elle également désastreuses... À l’ombre de cette lutte homicide se dresse la sinistre figure de la Russie. Quelle que soit la sympathie que les Allemands peuvent réclamer dans une guerre de défense contre l’agression bonapartiste, ils se l’aliéneraient en permettant au gouvernement prussien de demander ou d’accepter l’aide du Cosaque. »

La Solidarité publia dans son numéro du 16 juillet l’article suivant, où j’appréciais la situation en ce qui concernait la Suisse :


La guerre.

La guerre est déclarée ; les chassepots vont se mesurer avec les fusils à aiguille.

En présence du conflit franco-prussien, le gouvernement suisse a cru devoir faire mettre sur pied cinquante mille hommes pour border la frontière.

  1. Voir la lettre de Varlin à Aubry du 23 décembre 1869, t. Ier, p. 258, note.
  2. Parmi les noms qui figurent au bas de cette Adresse ou des lettres d’adhésion publiées les jours suivants, je relève ceux de Tolain, Murat, Avrial, Pindy, Theisz, A. Thomachot, Thomachot jeune, Camélinat, Chauvière, Langevin, Eugène Pottier, Landrin, Charles Keller, Malon, Combault, Lucipia, Jules Joffrin, Chausse.
  3. Cette Adresse, qui fut publiée aussi dans le Réveil, émanait du « Bureau central électoral du parti démocratique ».