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Ainsi, c’est au moment même où les Sections romandes [il s’agit des Sections romandes de notre Fédération] vident leurs caisses de résistance pour venir au secours des grévistes genevois, que certains membres de l’Internationale de Genève accusent publiquement l’organe de ces Sections, la Solidarité, d’être un journal « contraire à l’Internationale » ! On fait un crime à des ouvriers de porter ce journal dans les chantiers, de le faire lire à leurs camarades ! On craint peut-être que ceux des ouvriers qui ont été aveuglés et excités contre nous ne s’aperçoivent, en lisant notre journal, des sentiments de fraternité qui nous animent ; on veut à tout prix les maintenir à l’état d’hostilité contre leurs frères de certaines Sections. Et comme les paroles du président Dailly, qui reproche à des ouvriers d’être des Parisiens, s’accordent bien avec les sentiments généreux exprimés à l’égard des étrangers par l’assemblée populaire du 7 juin ! . . . Ces choses nous attristent, mais elles ne nous feront pas changer de conduite à l’égard de frères qui luttent comme nous contre l’oppression de la bourgeoisie. D’ailleurs nous croyons fermement que s’il se trouve à Genève des ouvriers pour répondre par des injures à nos actes de fraternité, ces gens-là ne peuvent former qu’une infime minorité, et que la majorité les désavouera. Rien d’étonnant à ce que des hommes qui prétendent être internationaux, mais pas socialistes, jettent la pierre à un journal qui tient haute et ferme la bannière du socialisme.


Aucun désaveu ne vint de Genève, et les trois Parisiens Lafargue, Giraudier et Cheminet, furent obligés de quitter une ville si peu hospitalière. Mais dans son numéro suivant la Solidarité publiait la lettre ci-après, que lui écrivaient, à la date du 20 juin, les membres de la Section de Vevey, — de braves cœurs ceux-là :


Pour venir en aide à nos frères de Genève, nous n’avons pas attendu que notre Comité fédéral nous ait indiqué les mesures à prendre. La première souscription, rentrée le 11 juin et montant à dix francs, fut expédiée de suite. Le 11 juin, nous avons reçu une dépêche du Comité fédéral romand, à la Chaux-de-Fonds, nous demandant de trouver des fonds pour soutenir nos frères de Genève, et nous rappelant les devoirs de tout international sérieux et convaincu. Sur-le-champ, notre Comité se réunit, et décida de consacrer à la grève tous les fonds qui étaient disponibles en ce moment, la somme produite par la souscription pour le drapeau, de même que de l’argent que nous voulions placer : nous avons pensé qu’il ne pouvait être mieux placé qu’en aidant nos frères de Genève. Le 12 juin, nous fîmes donc un second envoi de soixante-dix francs. Nos souscriptions continuent avec activité. Nous venons de faire, hier dimanche, un troisième envoi de vingt-cinq francs… Notre second envoi pour Vienne (Isère) a été de vingt francs[1]. Je pense que nos collègues de Genève auront vu que nous n’étions pas si mauvais internationaux qu’ils nous l’ont dit au Congrès romand [de la Chaux-de-Fonds], et que nous savons mettre en pratique les principes de solidarité que nous professons.

  1. Il y avait à Vienne (Isère) une grève des ouvriers métallurgistes, et les ouvriers fondeurs et mécaniciens de Vevey avaient fait, en mai, aux grévistes viennois un premier envoi d’argent (Solidarité du 4 juin).