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sieurs sociétés ouvrières qui sont en relations avec la Chaux-de-Fonds, et que le Comité fédéral romand réussira sans doute à gagner à l'Internationale. Lille s'organise, par les soins de notre infatigable Varlin. Une Section vient de se fonder à Brest, en Bretagne, et elle a envoyé aux Sections de Paris son adhésion à nos principes. Notre ami B. Malon remplit dignement la mission dont l'a chargé la Marseillaise [,qui l'avait envoyé en qualité de correspondant en Saône-et-Loire et dans la Nièvre] ; il a fait successivement au Creusot et à Fourchambault une enquête complète sur la situation des ouvriers. » Un grand Congrès des Sociétés ouvrières de France était convoqué à Rouen pour le 15 mai par la Fédération ouvrière rouennaise ; mais Aubry avait lancé cette convocation sans consulter personne, et Varlin l'en blâma : « Il me semble, lui écrivit-il, qu'avant de convoquer publiquement les sociétés ouvrières de France à un Congrès dont vous fixez vous-même la date et le programme, vous auriez dû consulter ces sociétés sur l'opportunité de ce Congrès et sur les questions à mettre à l'ordre du jour… Nous sommes dans une période de propagande et d'organisation, et je doute que les sociétés, qui, actuellement, ont assez de frais et d'occupations pour ces deux choses, puissent entreprendre sérieusement un Congrès. »

Quelques jours avant le plébiscite, Émile Ollivier ordonna l'arrestation, sous la double inculpation de complot et de société secrète, de « tous les individus qui dirigeaient l'Internationale ». Le 30 avril, la police arrêta, à Paris, Malon, Johannard, Murat, Pindy, Avrial, Landeck, et vingt autres de nos amis (Varlin réussit à s'échapper et à passer en Belgique[1]) ; à Lyon, Albert Richard, Gaspard Blanc, Chol, Doublet, Palix et sept autres. À Marseille, Bastelica put se soustraire aux recherches ; il se réfugia en Espagne. Les arrestations continuèrent les jours suivants : on emprisonna Assi au Creusot ; Aubry à Rouen ; Combe à Marseille ; Dupin et d'autres à Saint-Étienne ; Beauvoir, Dumartheray et d'autres à Lyon ; Ledoré et d'autres à Brest ; Alerini[2] à Cannes, etc.

En même temps qu'elle mettait sous les verroux les principaux membres de l'Internationale, la police bonapartiste avait arrêté un soldat déserteur, Beaury, qu'elle accusait de vouloir commettre un attentat contre l'empereur, et avait « découvert » au domicile d'un certain Roussel — qui ne put être arrêté, parce qu'il fut « délivré » par « des individus qui se jetèrent sur les agents » — vingt et une bombes, que les mouchards y avaient peut-être apportées. « Ceci, nous écrivait-on de Paris, est cousu de fil blanc. Il est clair que la police, qui avait besoin d'un complot, s'est entendue avec le nommé Roussel ; celui-ci s'est arrangé pour que les agents trouvent des bombes à son domicile, et les agents, de leur côté, ont eu soin de faire évader Roussel en récompense de ses bons services. » (Solidarité du 7 mai 1870.) Le Conseil fédéral parisien de l'Internationale publia aussitôt (2 mai) dans la Marseillaise une protestation où il déclarait faux que l'Internationale fût pour quelque chose dans le prétendu complot ; et il ajoutait : « L'Association internationale des travailleurs, conspiration permanente de tous les opprimés et de tous les exploités, existera malgré d'impuissantes persécutions contre les soi-disant chefs, tant que n'auront pas disparu tous les

  1. On lit dans une biographie de Varlin, par E. Faillet : « Varlin faisait alors la propagande à Chalon-sur-Saône. Un soir qu'il se trouvait chez Beysset (ancien représentant du peuple, proscrit en décembre, rentré en France en 1867), celui-ci reçoit l'avis d'un mandat d'amener contre son hôte. Boysset l'en informe, lui fait comprendre que, pour la cause, il vaudrait mieux se soustraire à l'arrestation, et lui fournit l'argent nécessaire pour passer en Suisse. Varlin se laisse persuader et prend le chemin de fer. Mais livré à lui-même, il juge indigne de fuir le sort de ses frères, et retourne à Paris. Il descend chez son ami Lancelin. Lancelin lui tient le langage de Boysset ; d'autres joignent leurs instances aux siennes. Varlin cède. Le lendemain il était à Bruxelles. »
  2. Charles Alerini était professeur de physique au collège de Barcelonnette. Suspendu de ses fonctions en avril 1870, il devint gérant du Rappel de Provence, et fut arrêté le 20 mai comme prévenu d'avoir fait partie d'une société secrète.