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La majorité momentanée et fictive du Congrès de la Chaux-de-Fonds avait du reste agi en violation flagrante des statuts de la Fédération romande qu'elle prétendait représenter ; et l'on doit remarquer que les chefs de l'Alliance avaient pris une part importante à la rédaction de ces statuts. En vertu des articles 53 et 55, toute décision importante du Congrès, pour obtenir force de loi, devait recevoir la sanction des deux tiers des Sections fédérées[1].


Citer une page pareille, n'est-ce pas le plus sévère châtiment — et le plus mérité — qu'on puisse infliger à celui qui l'a écrite ?


Les votes du Congrès collectiviste de la Chaux-de-Fonds furent accueilis avec un véritable enthousiasme dans les Sections de la Suisse française, en dehors de Genève et du cénacle coulleryste de la Chaux-de-Fonds. La Solidarité, dans ses premiers numéros, enregistra de chaleureuses adhésions : « Les Sections du Locle, qui font généreusement le sacrifice de leur organe spécial, le Progrès, promettent leur concours en masse à la Solidarité. » — « L'assemblée générale des quatre Sections de Neuchâtel, réunie le 14 avril, approuve à l'unanimité la conduite de ses délégués au Congrès romand. Le président des monteurs de boîtes donne connaissance à l'assemblée de la protestation faite par sa Section contre son second délégué, Baumann. L'assemblée a élu les cinq membres de la Commission administrative du journal. » — « L'assemblée générale des Sections du district de Courtelary, réunie le 17 avril, a décidé à l'unanimité de continuer son concours moral et matériel à la Fédération romande, représentée par la majorité du Congrès, et d'appuyer énergiquement le nouveau Comité fédéral siégeant à la Chaux-de-Fonds. » — Le Comité de la Section centrale de Vevey écrit : « La Section centrale de Vevey a, dans son assemblée générale du 30 avril, témoigné par un vote unanime ses remerciements à ses deux délégués Rossier et Coigny pour leur conduite ferme au Congrès de la Chaux-de-Fonds. La Section centrale a témoigné son indignation contre la manière grossière dont les délégués ont été expulsés de la salle du Congrès par quelques membres de la Section centrale de la Chaux-de-Fonds, et a voté en particulier un blâme sévère contre la conduite anti-internationale de son président Ulysse Dubois, qui devra être inscrite aux procès-verbaux de la Section, pour avoir favorisé le guet-apens sus-mentionné... Vive l'Internationale ! vive le collectivisme ! » — La Section de Moutier « adresse des remerciements sincères à son ancien président [qui fut son délégué au Congrès], le citoyen Alcide Gorgé, habitant actuellement la Chaux-de-Fonds, pour le dévouement et le zèle qu'il a témoignés à l'association pendant l'exercice de ses fonctions. » — De Lausanne, où l'Internationale était trop faiblement organisée pour avoir pu envoyer un délégué au Congrès, on écrit à la Solidarité « une lettre très conciliante et remplie des meilleurs sentiments inter-

  1. Qui ne croirait, en voyant Marx indiquer des articles des statuts de la Fédération romande, que ces articles contiennent en effet ce qu'il leur fait dire ? Et cependant il n'en est rien. L'art. 53 des statuts dit : « Toute décision du Congrès qui imposera une charge extraordinaire aux Sections ne deviendra obligatoire et exécutoire que lorsqu'elle aura été adoptée par les deux tiers des Sections » ; or, comme il ne s'agissait pas, dans la question de l'admission de la Section de l'Alliance, d'une décision devant imposer une charge financière, cet article 53 n'était pas applicable. L'art. 55 dit : « Les présents statuts, pour obtenir force de loi, doivent être votés par la simple majorité du Congrès, adoptés par les deux tiers des Sections romandes et sanctionnés par le Conseil général. Ils ne pourront être modifiés qu'aux mêmes conditions » ; or il ne s'agissait pas non plus d'une modification des statuts, donc l'article 55 n'était pas applicable. Par contre, Marx oublie — quoique la Solidarité, dans son numéro du 23 juillet 1870 (voir plus loin, p. 57), et le Mémoire de la Fédération jurassienne (p. 121), paru en avril 1873, eussent eu soin de l'en prévenir — qu'il existait un article 47 disant que « la Section qui n'enverrait aucun délégué au Congrès perdrait le droit de protester contre les décisions de la majorité ».