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Bakounine aussi, et il a été forcé d’avouer qu’il a eu tort et que Bakounine était un révolutionnaire en dehors de tout soupçon… Laissons donc de côté la question russe, et passons à celle de l’Alliance… Quant à l’existence de Comités secrets [dans l’Alliance[1]], je ne pense pas qu’Outine soit adversaire de la conspiration secrète. Je ne veux pas juger ici si, oui ou non, on a eu tort d’instituer un Comité secret auprès du Comité public[2]. La question à traiter est de savoir si les statuts [de la Section] de l’Alliance [, à Genève, ] peuvent être acceptés. Rien n’y est contraire aux statuts de l’Internationale… Je vous déclare que je ne suis pas de l’Alliance, je n’en fais pas partie… À l’heure qu’il est, il n’y a plus une organisation [internationale] de l’Alliance, à côté de l’organisation de l’Internationale : il n’y a qu’une Section de propagande [, ayant son siège à Genève]… Elle a donc le droit d’entrer dans la Fédération romande[3]. »

Dans la réplique d’Outine, je relève ce qui suit :

« Outine… M. Guillaume demande un jury ; ce jury aura lieu, mais plus tard, au Congrès général, et soyez sûrs que les arguments et les documents ne manqueront pas pour démasquer certains individus une fois pour toutes… À Bâle, il s’agissait tout simplement d’un article dans les journaux allemands où la conduite de Bakounine en 1848 était sévèrement jugée, et où l’auteur faisait supposition que Bakounine a été espion du gouvernement russe. Il ne coûtait rien au citoyen Liebknecht d’avouer que Bakounine n’était pas un espion ; et je le déclare aussi, publiquement qu’il ne l’a pas été, et que ce n’est pas de cela qu’on l’accuse[4]. »

Enfin mentionnons le grand grief formulé contre la Section de l’Alliance par Dupleix et par Weyermann, son athéisme :

« Dupleix… La raison pour laquelle on ne s’entendait pas [à Genève] avec les membres dirigeant l’Alliance, était que ces Messieurs voulaient à tout prix qu’on s’occupât de questions qui ne sont pas à l’ordre du jour parmi les ouvriers ; on prêchait l’athéisme, et les ouvriers veulent qu’on ne touche pas encore à telle ou telle croyance ; nous devons avant tout poursuivre notre but commun, notre émancipation économique. Un grand nombre de sociétaires se sont retirés de l’Association quand l’Alliance voulait prêcher l’athéisme, car on oublie trop que l’instruction manque au plus grand nombre d’ouvriers et que beaucoup d’entre eux se sentent froissés par ces doctrines.

« Weyermann. L’Alliance prêche l’athéisme et l’abolition de la famille, et nous ne le voulons pas ; les circonstances et les opinions ne permettent

  1. Guétat venait de parler de « comités occultes », dont, disait)il, il avait fait lui-même partie : « Le grand chef Bakounine devait avoir entre ses mains tous les liens secrets de l’univers, et nous avons bientôt reconnu qu’on nous trompait indignement, que, d’un côté, ces liens universels n’existaient pas en réalité, d’un autre côté il ne se gênait guère, avec qui que ce soit, il ne consultait en rien personne, il se jouait de tout le monde » (Égalité du 30 avril 1870. p. 2). Dans son « Rapport sur l’Alliance », écrit en août 1871, Bakounine explique qu’à l’époque où l’Alliance était une organisation internationale, le Bureau central, qui n’avait aucun compte à rendre au groupe genevois, ne communiquait à celui-ci, de sa correspondance avec les groupes de l’Alliance des autres pays, que ce qui pouvait être livré au public sans compromettre personne ; cette prudence était nécessaire surtout pour la France et l’Italie : « C’est probablement ce demi-secret qui fit accroire à M. Guétat qu’il avait été membre d’une société secrète, comme il le déclara avec tant d’emphase au Congrès de la Chaux-de-Fonds ». (Mémoire de la Fédération jurassienne, Pièces justificatives, p. 51.)
  2. Je dois compléter et rectifier sur ce point le compte-rendu de l’Égalité en reproduisant le résumé de mes déclarations d’après le Mémoire de la Fédération jurassienne (p. 113) : « Nous n’avons pas à établir une enquête sur le comité occulte qu’on prétend avoir existé, attendu que chaque membre de l’Internationale garde la liberté pleine et entière de s’affilier à n importe quelle société secrète, fût-ce même la franc-maçonnerie ; une enquête sur une société secrète, ce serait tout simplement une dénonciation à la police ».
  3. Égalité du 30 avril 1870, p. 4.
  4. Ibid., p. 5.