Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la paix à Berne en 1868 pour créer l’Alliance de la démocratie socialiste et se joindre à l’Internationale, comme les plus dangereux ennemis du peuple, ajoutant que s’il en avait un jour le pouvoir, il les ferait guillotiner. Le président Dupleix, de Genève, quitta le fauteuil pour accuser la Section de l’Alliance de professer l’athéisme, et de ne croire ni à Dieu ni à la morale. Déjà le matin, Weyermann, de Genève, avait déclaré que, si l’Alliance était admise dans la Fédération romande, ses collègues et lui quitteraient le Congrès. On trouvera dans les procès-verbaux que la Solidarité publiera in-extenso tous les détails de cette discussion.

Après un long débat, il fallut se prononcer définitivement. Le président fit voter, par appel nominal, sur la question ainsi posée : La Section de l’Alliance de la démocratie socialiste sera-t-elle admise dans la Fédération romande ?

Vingt et un délégués dirent oui, dix-huit répondirent non[1].

Aussitôt que le résultat du vote fut connu, ceux des délégués qui avaient voté non se levèrent d’un même mouvement, et déclarèrent qu’ils se retiraient du Congrès.

Le président Dupleix déclare qu’il se retire aussi.

Au milieu d’un tumulte inexprimable, M. Ulysse Dubois, président du Cercle, — qui n’avait pas le droit de prendre la parole dans une séance du Congrès, n’étant pas délégué, — monte à la tribune : il dit qu’en présence du vote que vient d’émettre la majorité, il ne peut tolérer plus longtemps la présence du Congrès au Cercle, et il enjoint aux délégués collectivistes d’évacuer immédiatement la salle.

Au milieu des vociférations d’individus appartenant pour la plupart à la Section centrale de la Chaux-de-Fonds, le Congrès se retire et va chercher un autre local[2].

  1. Un des deux délégués de la Section des monteurs de boîtes du Vignoble neuchâtelois, Baumann, de la Chaux-de-Fonds, circonvenu par les coullerystes, vota non avec la minorité, quoiqu’il eût reçu, comme son collègue Bétrix, le mandat impératif de voter oui. Ce mandataire indigne fut désavoué publiquement par ses commettants (lettre de la Section des ouvriers monteurs de boîtes du Vignoble neuchâtelois, du 14 avril 1870, publiée dans le no 2 de la Solidarité). Les chiffres eussent été, si Baumann avait voté conformément à la volonté de la Section qu’il représentait, vingt deux oui et dix-sept non.
  2. Voici comment le Mémoire de la Fédération jurassienne (p. 121) relate l’incident :

    « À peine le résultat du vote avait-il été proclamé par le président, que deux ou trois délégués de la minorité, se levant, s’écrient : « Au nom de ma Section, je me retire ». Et le cri gagnant de proche en proche, toute la délégation de Genève et de la Chaux-de-Fonds, debout, s’apprête à sortir. Le président Dupleix, réclamant le silence, dit ces mots :

    « Messieurs, je vous remercie de l’honneur que vous m’avez fait en me confiant la présidence, mais je ne puis plus continuer à siéger au milieu de vous, et je dois me retirer avec mes collègues ».

    « Ce coup de théâtre, prémédité par la minorité, étonne un moment les délégués de la majorité ; mais bientôt plusieurs voix se font entendre : « Nommons un autre président et continuons la séance ! — Assis ! assis ! les délégués de la majorité sont invités à rester assis ! »

    « À ce moment. M. Ulysse Dubois, président du Cercle auquel appartenait le local où se tenait le Congrès, monte à la tribune. Il est furieux, il parle avec de grands éclats de voix :

    « Je vous annonce. » dit-il, qu’il ne convient plus au Cercle, dont je suis le président, de mettre son local à la disposition d’un Congrès comme celui-ci. J’invite les collectivistes à évacuer la salle au plus vite, faute de quoi nous emploierons d’autres moyens. »

    « Et, là-dessus, grands applaudissements des coullerystes, qui pénètrent brusquement