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Laissez-moi donc vous tendre, au nom de mes amis, la main de l'entente fraternelle et complète. Comme nous, vous voulez la propriété collective ; pas plus que vous, nous ne voulons du communisme autoritaire, et les reproches que vous faites aux communistes et aux collectivistes, — car vous les avez jusqu'ici confondus dans une même réprobation, — nous ne les méritons certes pas. Aussi, tout en faisant remarquer que vos paroles ne s'appliquent qu'aux systèmes autoritaires, et non aux théories collectivistes dont le dernier mot est l'an-archie, je reproduis avec plaisir, pour terminer cette lettre, les lignes dans lesquelles vous établissez le but que doit se proposer le véritable socialisme :

« Le plus grave reproche que je fais à toutes les combinaisons communistes ou collectivistes, c'est qu'elles font abstraction de l'homme, de sa nature, de son tempérament, de ses tendances, de ses droits, c'est-à-dire que l'homme devra s'y soumettre, tandis qu'au contraire je crois qu'il est le plus grand destructeur possible de combinaisons, si ingénieuses qu'elles soient, et quelque apparence de justice qu'elles puissent présenter, et que la marche du progrès est justement qu'elles soient aussitôt dépassées qu'indiquées. C'est donc perdre son temps que de penser créer une société où tout sera prévu à l'avance, et je crois qu'il vaut mieux porter ses efforts sur les points que l'expérience journalière nous a démontré faire obstacle à la tendance égalitaire de l'humanité, pour les faire disparaître, en laissant à l'homme son initiative et sa liberté d'action de plus en plus grande. »

En effet, le temps du socialisme utopique et métaphysique est passé : les systèmes des rêveurs de cabinet ont fait place au socialisme positif et expérimental, qui appuie toutes ses affirmations sur des faits, qui élève ses principes, par la rigueur de ses démonstrations, à la hauteur de vérités scientifiques, et qui n'est autre chose, en somme, que l'intelligence du peuple constatant les lois naturelles des sociétés humaines.

Recevez, mon cher Murat, mon salut fraternel.

James Guillaume.          

Neuchâtel, 30 décembre 1869.


Dans le même numéro du Progrès, j'annonçais l'apparition de la Marseillaise, de Paris (qui m'était envoyée régulièrement depuis quelques jours), en publiant un passage d'une lettre que m'adressait Varlin, et en définissant une fois de plus, d'accord avec mon correspondant, ce que nous entendions par collectivisme. Je reproduis également cet article :


La Marseillaise.

Nous saluons avec la joie la plus vive l'apparition d'un nouveau journal socialiste, fondé à Paris par les électeurs de Rochefort, et qui s'appelle la Marseillaise. Ce journal, qui est quotidien, remplacera avantageusement le Travail, qui ne paraissait qu'une fois par semaine, et son format, égal à celui des plus grands journaux parisiens, ainsi que l'étendue de sa publicité, en feront pour l'Internationale un organe actif et précieux.

Ce sont en effet les principes de l'Internationale que la Marseillaise défend. Ce journal ne sera pas un instrument remis aux mains d'un homme pour y faire de la polémique à sa fantaisie, il sera