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composées d'hommes bien résolus à ne pas se laisser détourner de la bonne voie. Ce n'est plus le temps où il suffisait d'un avocat et de quelques sophismes adroits pour empêcher les ouvriers de Neuchâtel de venir en aide aux grévistes de Genève[1]. Apprendre coûte, savoir vaut. Neuchâtel marchera énergiquement avec l'appui des Sections des Montagnes, sous le drapeau de l'Internationale.

Le Val de Travers, jusqu'ici, n'avait pas été entamé. Depuis leur dernière grève, les monteurs de boîtes de Fleurier ont adhéré à l'Internationale, et nous avons tout lieu de croire que ce fait ne restera pas isolé.

La vallée de la Brévine elle-même, ce vieux nid de royalistes, n'est pas restée inaccessible au socialisme. Les ouvriers commencent à s'y agiter, et prochainement, sans doute, ils se réuniront en meeting.

Pendant que le socialisme gagne ainsi du terrain, que deviennent les partis politiques ? De plus en plus décrépits, ils sont en train de mourir de langueur. Les élections au Conseil national, pour lesquelles on avait tant battu la grosse caisse de part et d'autre, ont donné la mesure de ce qui leur reste de force. La plus grande partie des électeurs se sont abstenus ; et nous avons la satisfaction de constater que c'est au Locle que le chiffre des abstentions a été le plus considérable : sur 1.800 électeurs, 500 environ sont allés voter. Nous ne prétendons certes pas que tous ceux qui se sont abstenus soient des socialistes ou même des ouvriers ; mais cette indifférence du peuple et de la bourgeoisie elle-même pour un système politique qu'on nous a si longtemps représenté comme l'idéal de la perfection, est d'un bon augure pour nous.

La bourgeoisie se lasse. Tant mieux. Et nous, nous travaillons.


Cet article parle des élections au Conseil national suisse : elles avaient eu lieu le dimanche 31 octobre. Dans un autre article du Progrès (n° 22, 30 octobre), j'avais indiqué, d'accord avec mes amis, l'attitude que nous avions cru devoir prendre en cette circonstance. Voici cet article :


Les élections au Conseil national.

Demain auront lieu, dans toute l'étendue de la Confédération, les élections pour le Conseil national suisse. Il est assez difficile de prévoir quel en sera le résultat, pour ce qui concerne le canton de Neuchâtel ; et, à vrai dire, nous nous en préoccupons fort peu : ce résultat, quel qu'il puisse être, nous laisse parfaitement indifférents.

Pour juger toutes les questions politiques qui peuvent se présenter, nous nous adressons cette demande qui nous sert de pierre de touche : Quel rapport y-a t-il entre ceci et l'émancipation du prolétariat ? Et c'est après nous être posé cette question à propos des élections au Conseil national, que nous avons conclu à l'indifférence absolue.

En effet, quelle sera la tâche du futur Conseil national ? Selon

  1. « En mars 1868, quelques ouvriers de Neuchâtel, restés fidèles à l'Internationale, convoquèrent une assemblée populaire à l'occasion de la grande grève du bâtiment à Genève ; la population ouvrière y vint en grand nombre, et les initiateurs de l'assemblée proposèrent une souscription destinée à envoyer des secours aux grévistes. Mais il suffit de l'intervention d'un avocat radical, M. Louis-Constant Lambelet, pour détruire tout l'effet de la proposition des internationaux, et l'assemblée se sépara sans résultat. » (Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 33.)