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À mesure que ces sociétés se formeront, il invite les Sections, groupes fédéraux et conseils centraux à en donner avis aux sociétés de la même corporation, afin de provoquer la formation d'associations nationales de corps de métier.

Ces fédérations seront chargées de réunir tous les renseignements intéressant leur industrie respective, de diriger les mesures à prendre en commun, de régulariser les grèves, et de travailler activement à leur réussite, en attendant que le salariat soit remplacé par la fédération des producteurs libres.

Le Congrès invite en outre le Conseil général à servir, en cas de besoin, d'intermédiaire à l'union des sociétés de résistance de tous les pays.


La discussion occupa les deux séances du samedi matin et du samedi après-midi (11 septembre). Liebknecht, qui parla le premier, parut n'avoir pas saisi ce que le rapport avait dit du double mode de groupement : il recommanda, lui aussi, une double organisation, mais elle consistait simplement à organiser nationalement toutes les sociétés d'un pays, et ensuite à fédérer internationalement les diverses organisations nationales, Tolain, quoique proudhonien, déclara que le projet de voir les associations fédérées remplacer l'État lui apparaissait comme un rêve : car l'ouvrier n'appartient pas seulement à une corporation, il a des rapports nécessaires avec les autres habitants de la commune, il a donc des droits et des devoirs de citoyen à remplir. Greulich (Zurich) fit la même observation : « Je ne crois pas, dit-il, que les associations ouvrières fédérées puissent se transformer jamais en gouvernement ; l'ouvrier n'appartient pas seulement à son métier, il appartient par mille liens à une famille politique dont il fait partie : il est citoyen ». Hins développa les idées exprimées dans le rapport : les sociétés de résistance, dit-il, subsisteront après la suppression du salariat, et c'est par elles que s'organisera la production ; les industries formeront, en quelque sorte, chacune un État à part, ce qui empêchera à tout jamais le retour à l'ancien État centralisé ; les anciens systèmes politiques seront remplacés par la représentation du travail. On nous a reproché d'être indifférents aux formes des gouvernements : ce n'est vrai que dans ce sens, que nous les détestons tous au même titre ; nous pensons que c'est seulement sur leurs ruines que pourra s'établir une société conforme aux principes de justice[1].

Sans s'arrêter à des différences de conception théorique relativement à l'organisation de la société future, la plupart des délégués se bornèrent à constater que le Congrès était unanime à reconnaître la nécessité des sociétés de résistance, ainsi que la nécessité de leur fédération, et l'utilité de créer entre elles un lien international au moyen du Conseil général de l'Internationale. La résolution proposée par la Commission fut votée à l'unanimité.


Il n'était pas resté de temps au Congrès pour discuter la question du crédit et celle de l'instruction intégrale : ces deux questions furent renvoyées au Congrès suivant.


Dans les séances administratives du mardi matin et du mercredi matin, le Congrès avait discuté et adopté des résolutions, au nombre de neuf, ayant pour but de donner à l'organisation de l'Internationale quelque chose de

  1. C'est à ce discours de Hins qu'appartiennent les paroles que j'avais reproduites dans le Progrès, et qui sont textuelles : « Quand le moment sera venu, l'Internationale montrera qu'elle entend bien s'occuper de politique, en aplatissant, sans distinction de forme et de couleur, tous les gouvernements bourgeois ».