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Il indiqua ensuite un autre motif, et ici se marque très nettement la différence entre sa conception d'une transformation sociale et celle des communistes d'État :


«On nous a beaucoup parlé de pratique. Eh bien, c'est au nom de la pratique que je vous convie à voter l'abolition du droit d'héritage. On a dit aujourd'hui que la transformation de la propriété individuelle en propriété collective rencontrera de graves obstacles chez les paysans, petits propriétaires de la terre. Et, en effet, si, après avoir proclamé la liquidation sociale, on tentait de déposséder par décret ces millions de petits cultivateurs, on les jetterait nécessairement dans la réaction, et, pour les soumettre à la révolution, il faudrait employer contre eux la force, c'est-à-dire la réaction. Il faudra donc bien les laisser les possesseurs de fait de ces parcelles dont ils sont aujourd'hui les propriétaires. Mais si vous n'abolissez pas le droit d'héritage, qu'arrivera-t-il ? Ils transmettront ces parcelles à leurs enfants, avec la sanction de l'État, à titre de propriété. Si, au contraire, en même temps que vous ferez la liquidation sociale, vous proclamez la liquidation politique et juridique de l'État, si vous abolissez le droit d'héritage, que restera- t-il aux paysans ? Rien que la possession de fait, et cette possession, privée de toute sanction légale, ne s'abritant plus sous la protection puissante de l'État, se laissera facilement transformer sous la pression des événements et des forces révolutionnaires[1]. »


Le débat sur le droit d'héritage se prolongea beaucoup moins que celui sur la propriété collective : on était à l'avant-dernier jour du Congrès, et le temps pressait. Après le discours de Bakounine, la clôture fut demandée et votée ; on entendit encore une harangue enflammée du fougueux Langlois, puis l'appel nominal fut fait sur la proposition de la Commission et sur celle du Conseil général ; en voici le résultat :


Proposition de la Commission.

Ont voté oui : Allemagne, Rittinghausen, Janasch, Becker, Krüger, Lessner ; Autriche, Neumayer ; Belgique, Hins, Robin, Baslin, Brismée ; Espagne, Rafaël Farga-Pellicer, Sentiñon ; France, Varlin, Dereure, Bakounine, Bourseau, Outhier, Albert Richard, Louis Palix, Ch. Monier, Foureau ; Italie, Caporusso ; Suisse allemande, Collin ; Suisse française, Heng, Brosset, Jaillet, Fritz Robert, François Floquet, James Guillaume, Martinaud, Schwitzguébel, Gorgé : 32 ;

Ont volé non : Allemagne, Liebknecht, Hess, Würger ; Amérique, Cameron ; Angleterre, Applegarth, Cowell Stepney, Jung, Eccarius ; France, Tartaret, Tolain, Pindy, Chemalé, Fruneau, Murat, Langlois, Aubry, Piéton ; Suisse allemande, Greulich, Frey, Leisinger, Starke, Quinch, Gutgerold : 23 ;

Se sont abstenus : Allemagne, Scherer, Gœgg ; Belgique, De Paepe ; France, Flahaut, Franquin, Landrin, Dosbourg, Durand, Roussel, Mollin, Creusot ; Suisse allemande, Bruliin ; Suisse française, Grosselin : 23 ;

Absents : Angleterre, Lucraft ; Allemagne, Spier ; Autriche, Oberwinder ; Suisse allemande, Bürkly, Bohny, Holciber ; Suisse française, H. Perret : 7.

  1. J'ai emprunté à l’Égalité du 13 septembre 1869 ces passages du discours de Bakounine. L’Égalité dit qu'elle reproduit le texte complet du discours de Bakounine, « qui lui a été communiqué ».