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La cotisation fédérale annuelle fut fixée à dix centimes par membre, et la rétribution du secrétaire général, pour la première année, à la somme de cent francs. Il fut décidé que le prochain Congrès aurait lieu à la Chaux-de-Fonds, le premier lundi d’avril 1870. Genève fut désigné comme siège fédéral pour la première année. Les membres du Comité fédéral, nommés par le Congrès, furent Brosset, serrurier ; Duval, menuisier ; Chénaz, tailleur de pierres ; Guétat, cordonnier ; Napoléon Perret, graveur ; Guilmeaux, mécanicien ; Louis Martin, monteur de boîtes. Henri Perret, le secrétaire du Comité central de Genève, n’était pas du nombre des élus, et pourtant les meneurs de la « fabrique » désiraient qu’il fût le secrétaire général de la Fédération romande ; ce fut chose aisée pour eux d’arriver à leurs fins : Guilmeaux n’ayant pas accepté sa nomination, le Comité cantonal de Genève désigna Henri Perret pour le remplacer, et celui-ci devint ainsi membre du Comité fédéral, les Sections de la Fédération ayant confirmé ce choix. Le Comité fédéral élut Brosset comme président et Henri Perret comme secrétaire. Brosset représentait l’esprit révolutionnaire des ouvriers du bâtiment : « mais quelques mois plus tard, par un système de taquineries combinées, auxquelles, trop susceptible, il eut le tort de ne point répondre par le mépris, on le força à abandonner la présidence[1] » ( manuscrit inédit de Bakounine). Quant à Henri Perret, c’était un vulgaire intrigant, dont Bakounine a tracé la silhouette en quelques lignes : « Vaniteux, vantard et bavard comme une pie, et faux comme un jeton ; souriant à tout le monde, et trahissant tout le monde ; n’ayant qu’un but, celui de maintenir sa petite barque sur les flots, et votant toujours avec la majorité. Avec nous il fut d’abord collectiviste, anarchiste et athée ; plus tard, quand la fabrique se fut soulevée contre nous, voyant qu’il n’y avait plus moyen de se partager, il se tourna contre nous. »

La dernière question était celle du Compte-rendu du Congrès de Lausanne. L’extrême lenteur mise par l’imprimeur, Coullery, à la composition et au tirage de ce petit volume, en avait fait manquer la vente au moment favorable, en sorte que la presque totalité de l’édition était restée invendue[2]. Une commission de trois membres, dont je fis partie, avec Ferdinand Quinet et Henri Perret, proposa que les exemplaires restants fussent partagés entre les Sections romandes au prorata du nombre de leurs membres, à raison de un franc l’exemplaire : on arriverait par ce moyen à payer la note des frais d’impression. Le Comité fédéral verserait à Coullery les sommes rentrées, au fur et à mesure de l’écoulement des volumes. Cette proposition fut adoptée.

II


Je fais la connaissance personnelle de Bakounine (2 Janvier). — Décision du Bureau central de l’Alliance de proposer aux groupes de cette association la dissolution de leur organisation internationale. — Lettre du Conseil général belge (16 janvier ).


C’est au Congrès romand que j’entrai pour la première fois en relations personnelles avec Bakounine. Je l’avais vu à la tribune, au Congrès de la paix, à Genève, le 10 septembre 1867, mais sans avoir eu l’occasion de lui parler, et sans que la pensée me fût venue alors d’essayer de me rapprocher de lui : j’étais bien éloigné de songer qu’il pût un jour devenir membre de l’Internationale. Lorsque, délégué par la Section du Locle, après avoir passé les fêtes de Noël et du Jour de l’an à Morges dans la

  1. En août.
  2. Des lettres du Comité central de Genève et du Conseil général de Londres, des 27 et 28 octobre 1867, avaient signalé à Coullery ce retard et les inconvénients qui en résulteraient. Malgré toutes les démarches faites pour hâter l’achèvement de l’impression, celle-ci ne fut terminée qu’au bout de six mois.