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Il n’est pas difficile de comprendre la signification d’une mesure pareille : c’est une véritable provocation à l’adresse des socialistes qui pourraient être tentés de déployer le drapeau rouge à Berne à l’occasion de l’anniversaire du 18 mars.

Mais le gouvernement bernois en sera pour ses frais ; c’est en pure perte qu’il aura fait charger ses canons et mis de piquet ses artilleurs : il n’y aura pas de bataille rangée dans les rues de Berne.

Eh quoi donc ! parce que l’an dernier les socialistes, ayant organisé une manifestation paisible dans une ville où ils croyaient que régnait la liberté, sont tombés dans le guet-apens du préfet de Wattenwyl, on feint de croire que ces socialistes méditent une revanche belliqueuse, et on se prépare à les recevoir à coups de canon !

Quelle niaiserie !

La revanche, nous l’avons prise à Saint-Imier, au Congrès du 5 août dernier, où nous avons déployé le drapeau rouge en tête du cortège d’internationaux qui a parcouru les rues de la ville ; nous l’avons prise ensuite pendant les trois jours du procès de Berne, lorsque nous avons flétri devant le tribunal les procédés de la police bernoise et revendiqué nos droits ; nous la prendrons encore dans l’avenir, non en rossant quelques pauvres diables de gendarmes, agents inconscients d’un pouvoir qui les contraint à l’obéissance, mais en travaillant à la démolition de la vieille société bourgeoise et des gouvernements tant républicains que monarchiques.

Avant 1876, les Sections jurassiennes ont toujours célébré l’anniversaire du 18 mars dans des réunions purement locales, sans bannière ni musique ; les personnes sympathiques à la cause socialiste s’assemblaient au local de la section, et c’était tout. Mais, en 1876, quelques réfugiés français proposèrent une réunion générale à Lausanne : l’idée était nouvelle, elle fut trouvée bonne ; la réunion eut lieu et fut consacrée à une discussion sur le principe de la Commune. L’année suivante, la section de Berne crut utile de convoquer une seconde réunion générale, pour continuer la discussion commencée à Lausanne ; cette invitation fut acceptée par la plupart des sections : on sait comment la police bernoise s’y prit pour transformer en une sanglante bagarre ce qui devait être une réunion publique destinée à de simples débats théoriques.

La Fédération jurassienne entend-elle déroger une troisième fois à ses habitudes, en convoquant de nouveau, pour le 18 mars 1878, une assemblée générale ? Y a-t-il quelque circonstance spéciale qui motive cette mesure ? Aucune section, que nous sachions, n’a pris l’initiative d’une proposition de ce genre. En tout cas, si une réunion générale devait avoir lieu, elle se tiendrait, conformément à la pratique toujours observée dans notre Fédération, dans quelque ville nouvelle, telle que Genève, Fribourg, Neuchâtel ou la Chaux-de-Fonds. Mais il nous parait probable qu’on en reviendra, pour cette année, aux anciennes habitudes, et que l’anniversaire du 18 mars sera célébré dans les sections.

Le gouvernement de Berne, en nous menaçant de son artillerie, n’aura donc fait que prêter à rire à la Suisse tout entière.


Dans son numéro suivant, le Bulletin inséra la lettre que voici (l’original était en allemand), écrite par un membre de l’Arbeiterbund de Berne :