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Vorwärts publièrent des commentaires que le Bulletin dut rectifier ; il le fit en ce termes (29 avril) :


La Tagwacht, en rendant compte du Congrès de Gand, est tombée dans une méprise bien divertissante. À propos de la décision du Congrès qui stipule que « nul ne pourra faire partie de l’Union ouvrière socialiste belge, s’il n’est salarié », le journal de M. Greulich dit que, par cette résolution, le Congrès a voulu fermer la porte « aux braillards anarchistes qui n’appartiennent pas à la classe ouvrière ». Or, voici les faits réels : La résolution en question a été proposée par un anarchiste[1], Fluse, délégué de Verviers, dans l’intention expresse, comme il l’a dit lui-même, d’éloigner les intrigants bourgeois qui cherchent à entraîner les ouvriers sur le terrain de la politique parlementaire pour se faire d’eux un marche-pied à leur ambition. Par contre, la proposition a été combattue par les délégués flamands, dont elle dérangeait les projets. On le voit donc : bien loin d’être dirigée contre les anarchistes, la résolution a été proposée par un délégué de Verviers qui avait mandat exprès de voter contre la participation à la politique bourgeoise.

Le Vorwärts a fait suivre la correspondance peu claire qu’il a publiée sur le Congrès de Gand d’une note qui prouve que sa rédaction n’a pas compris le véritable sens du vote du Congrès relativement à la politique. [Le Bulletin rappelle les explications données dans la lettre de Fluse relativement à la proposition de Van Beveren et à celle de Bertrand, et ajoute ensuite :] Ainsi la proposition de Bertrand, bien loin d’avoir été, comme le prétend le Vorwärts, « une défaite complète pour les abstentionnistes », a été une défaite pour les politiciens flamands qui voulaient rendre l’action politique obligatoire. N’ayant pas réussi à faire accepter la résolution Van Beveren, ils ont dû se contenter de celle de Bertrand, qui reconnaît aux abstentionnistes aussi bien qu’aux politiciens droit de cité dans l’Union ouvrière belge.

C’est si bien là la signification réelle du vote du Congrès de Gand, que le Mirabeau, malgré les sympathies avouées de la plupart de ses rédacteurs pour les politiciens, le reconnaît. Voici ce qu’on lit dans son numéro du 22 avril : « Malgré ses tactiques et ses expédients, le parti politique n’a pu aboutir qu’à ce vote piteux : « Le Congrès reconnaît l’utilité », etc. (Suit la reproduction de la proposition Bertrand). » Un vote piteux ! Voilà à quoi se réduit la victoire célébrée par le Vorwärts et la Tagwacht.


Les chefs flamands furent très mécontents des résolutions du Congrès de Gand. Ils résolurent de passer outre, et de convoquer pour la Pentecôte (20 mai), à Malines, un Congrès exclusivement flamand, où ils procéderaient à la fondation d’un « Parti démocrate socialiste belge ».

Je place ici une lettre que j’écrivais le 30 avril à Pierre Kropotkine pour lui dire mon sentiment sur la situation en Belgique :

  1. C’est la première fois, je crois, que le Bulletin reprend à son compte le terme d’anarchiste, que nous appliquait la presse adverse, pour désigner les membres de l’Internationale opposés à la politique électorale et parlementariste. L’épithète reviendra encore de temps à autre dans nos écrits de l’époque. Elle ne nous effrayait pas, mais nous la mettions d’habitude en italiques, pour montrer qu’elle n’était pas de notre langage usuel.