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ration jurassienne. Il y avait également des camarades de Moutier, Porrentruy et Fribourg.

Après la réunion préparatoire, où l’on convint des dernières mesures d’organisation, nous déjeunâmes ensemble, — ceux d’entre nous qui étaient venus du dehors, — entre midi et une heure, à la mode bernoise d’alors, avec du café au lait, du pain et du fromage. Vers une heure et demie, les membres des deux Sections, française et allemande, de l’Internationale à Berne commencèrent à affluer au local où nous étions réunis, et d’où le cortège devait partir. Brousse, ayant remarqué que je n’avais pas de canne, me dit que j’avais eu tort de n’en pas apporter, car, malgré les intentions paternelles de la police, il pourrait se produire çà et là quelques bagarres : il m’offrit une badine, que j’acceptai en riant.

Au procès, cinq mois plus tard, on lut une lettre que Kachelhofer avait adressée au Comité de l’Arbeiterbund de Berne, pour inviter cette association à prendre part à la manifestation (elle refusa d’y participer) ; il y disait que le drapeau rouge pourrait être de nouveau attaqué, et que, « pour éviter le retour d’une scène aussi honteuse que celle de l’an dernier, il serait bon que les manifestants fussent armés, non de fusils et de sabres, mais de bonnes cannes, de Schlagringe (« coups de poings »), de casse-têtes, et autres choses semblables ».

En réponse à une demande de renseignements que je lui ai adressée en vue de la rédaction du présent chapitre, Pindy m’a écrit, le 12 avril 1908 : « De la Chaux-de-Fonds, nous avions emporté une collection de « coups de poings » américains et de casse-tête en plomb fabriqués chez moi, et que nous distribuâmes à ceux des compagnons du Vallon qui en désiraient. Brousse nous avait envoyé sa chanson du Drapeau rouge, mais nous ignorions l’air : ce n’est que depuis Sonvillier jusqu’à Berne que, en wagon, nous répétâmes le chant en question. »

Le Drapeau rouge était une chanson de circonstance que Brousse venait de composer, et dont voici le refrain :

Le voilà, le voilà, regardez !
……..Il flotte, et, fier, il bouge.
Ses longs plis au combat préparés.
……..Osez le défier.
Notre superbe drapeau rouge.
Rouge du sang de l’ouvrier !

Cela se chantait sur l’air d’une chanson patriotique suisse : Armons-nous, armons-nous, armons-nous, Enfants de l’Helvétie !

Je laisse maintenant la parole au Bulletin, qui publia, dans son numéro du 25 mars, le récit suivant de la journée :


Le 18 mars à Berne.

Le dimanche matin, vers dix heures, les membres des deux Sections internationales de Berne (langue allemande et langue française), ainsi qu’un certain nombre d’internationaux venus du dehors pour participer à la manifestation annoncée dans nos deux derniers numéros, se sont réunis au local de l’Internationale, restaurant du Soleil, [place de l’Ours,] pour une séance préparatoire. Cette réunion avait pour but de fixer définitivement le programme de la journée. Il y fut décidé qu’un meeting public serait tenu, à deux heures, dans la vaste salle du restaurant Jeangros, à la Länggasse (un peu hors de ville), qui avait été louée à cet effet ; que les internationaux s’y rendraient en cortège, précédés du drapeau rouge ; et qu’en passant devant la gare, le cortège s’arrêterait pour recevoir une délégation de Zürich et de Bâle, qui devait arriver par le train de 1 heure 55.

Conformément à cet arrangement, les internationaux se réunirent de nouveau, vers une heure et demie, au restaurant du Soleil, d’où devait par-