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gieux » ; celle du 22 : « Le programme et l’organisation de la fédération du district de Courtelary ». Le 5 février eut lieu, dans le même local, une assemblée générale de la fédération. En outre, le dimanche 14 janvier se réunit, dans la grande salle du Buffet de la gare, une assemblée populaire convoquée par la fédération, où fut discutée la question de la revision de la constitution bernoise ; l’assemblée adopta un « Manifeste au peuple du canton de Berne », que publia le Bulletin (21 janvier) ; ce Manifeste disait au peuple : « Au lieu de reviser la constitution cantonale, d’opérer des réformes législatives, de changer le personnel gouvernemental et administratif, organise-toi pour la transformation de la propriété, de la production, de la consommation ; au lieu de la liberté sur le papier, veuille la liberté dans les faits ».

La Section du Grütli de Saint-Imier convoqua de son côté une assemblée populaire pour le dimanche 4 février ; les Grutléens voulaient la revision immédiate, tandis que les grands chefs du parti radical étaient d’avis de l’ajourner à des temps plus opportuns ; l’assemblée devait fournir aux uns et aux autres l’occasion de s’expliquer. Quelques socialistes décidèrent de s’y rendre pour y exposer leur point de vue. Du côté des radicaux-libéraux parlèrent M. Jolissaint, ex-conseiller d’État (qui avait été président du Congrès de la paix et de la liberté à Genève en 1867), et M. Frossard, conseiller d’État, ancien membre de l’Internationale ; ils recommandèrent l’ajournement. Le Grutléen Brückmann réclama au contraire la revision immédiate, et parla contre l’opportunisme intéressé des « gros Messieurs ». Schwitzguébel, Brousse et Spichiger défendirent les idées de l’Internationale. « M. Jolissaint, dit le Bulletin, s’est prononcé avec une haine bien marquée contre les tendances collectivistes et anti-autoritaires de l’Internationale, et toutes les nuances du parti libéral ont applaudi ses discours avec passion, tandis que les répliques des orateurs socialistes étaient non moins vigoureusement applaudies par les ouvriers. » Au vote, la proposition de M. Jolissaint (revision dans un moment plus opportun) obtint 50 et quelques voix ; la proposition des Grutléens (revision immédiate) obtint 90 et quelques voix ; l’assemblée comptait 400 personnes, dont 250 s’abstinrent de voter.

Les radicaux-libéraux de l’une et l’autre nuance, tant Grutléens qu’opportunistes, restèrent consternés de ce résultat : avoir convoqué à son de trompe une assemblée du parti, une assemblée pour laquelle s’étaient dérangés tout exprès les grands orateurs gouvernementaux Jolissaint et Frossard, et n’avoir pu récolter en tout que cent cinquante voix pour les uns et pour les autres ! Quel piteux échec !

La Tagwacht, mal renseignée, ou de mauvaise foi, prétendit que l’échec avait été pour nos amis. « Les communes industrielles du Val de Saint-Imier, dit-elle, sont habitées par une population ouvrière dont la profession (horlogers, graveurs, etc.) produit déjà par elle-même un certain développement de l’intelligence. Cette région pourrait être pour la Suisse ce qu’est la Saxe pour l’Allemagne, sous le rapport du socialisme. Les socialistes pourraient y être les maîtres, — s’ils n’étaient malheureusement pas des anarchistes. Pour nous, si nous avions eu une assemblée comme celle du 4 février, nous en aurions été complètement les maîtres, — sans avoir besoin de faire venir aucun renfort du dehors, — tandis que les anarchistes n’ont pu qu’y jeter la confusion. »

Le Bulletin répondit :


Quelques mots suffiront pour rétablir les faits. L’assemblée du 4 février n’était pas une réunion socialiste, mais bien une réunion libérale[1] convoquée par la Section du Grütli de Saint-Imier, et à laquelle on avait invité les principaux hommes politiques du parti radical bernois. Un certain nombre de socialistes décidèrent de se rendre à cette assemblée, voulant profiter de l’occasion pour démolir, sous les yeux mêmes du public libéral et bour-

  1. Le mot de libéral, à cette époque, dans le Jura bernois, était synonyme de radical.