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Quand les journaux bourgeois ont apporté la première nouvelle de la démonstration de Saint-Pétersbourg, vous, sans un mot de compassion pour ceux qui venaient de succomber, vous avez dédaigneusement déclaré que ce n’était qu’une comédie policière ou un enfantillage sans portée. Vous n’avez pas voulu rétracter vos paroles, alors même que vous avez reçu le récit véridique de tout ce qui s’était passé, que vous avaient fait parvenir quelques socialistes russes[1] ; même devant l’arrêt féroce des juges du gouvernement russe, vous avez joint froidement, dédaigneusement votre condamnation à celle des bourreaux !

Quelle qu’ait été votre opinion sur la démonstration de Saint-Pétersbourg, sa valeur pratique, son utilité réelle, vous n’ignoriez pas que c’était une démonstration faite par des socialistes ; vous saviez que la démonstration était faite par des hommes qui délibérément, tranquillement, marchaient à une perte presque certaine ; vous saviez qu’au moment même où votre article s’imprimait, ces hommes étaient torturés dans les prisons, outragés, condamnés par les tribunaux...; vous saviez tout cela, et vous n’avez pour y répondre que des paroles dignes des journaux bourgeois. Eux aussi ont raillé ces martyrs ; eux aussi, ainsi que vous, ont exprimé l’espoir que le sort affreux des condamnés servira de leçon salutaire à la jeunesse russe.

Où est donc la solidarité révolutionnaire ? Comment pourrons-nous distinguer nos ennemis de nos amis ?

Nous le répétons encore, nous n’avons jamais eu la pensée de demander votre approbation sur le mérite en principe de cette démonstration ; mais vous eussiez pu garder le silence au milieu du chœur de perfides insinuations de la presse russe ; vous eussiez même pu critiquer la démonstration, mais, tout en critiquant le principe, vous eussiez dû respecter des hommes qui risquaient leur vie pour une cause que vous-mêmes vous prétendez servir.

... Encore deux mots avant de terminer... Nous savons que la démonstration de Saint-Pétersbourg n’est pas restée sans résultats, et que, organisée sur la demande expresse de nombreux ouvriers, elle a amené dans les rangs des socialistes de nouveaux révolutionnaires qui, sortis du sein de la classe ouvrière, doubleront et tripleront le nombre de ceux qui seront appelés à remplacer ceux qui ont héroïquement succombé dans cette affaire.

Nous espérons, Monsieur le rédacteur, que vous ne vous refuserez pas à insérer ces explications dans un des plus prochains numéros de votre journal.

Agréez, Monsieur, nos salutations révolutionnaires.

Nathan Steinberg. — Zemphiry Ralli. — Alexandre Œlsnitz. — Simon Lourié. — W. Tcherkézof. — Victor Ornorsky. — Prokop Grigorieff. — Ivan Stenouchkine. — Woldemar Tessere. — Nicolas Joukovsky. — Pierre Kropotkine. — Siméon Jémanof.


À peine le procès des manifestants de Saint-Pétersbourg était-il terminé, que commença celui d’une société secrète qui avait fait de la propagande dans les fabriques de Moscou, Ivanovo, Toula, Kiyef, Saratof et Odessa, et dont les membres comparurent devant le Sénat pour être envoyés en masse aux travaux forcés ou en exil. Cette affaire porte, dans l’histoire, le nom de Procès des Cinquante. Les principaux accusés s’appelaient Djébadari, Tchékoïdzé, Lucaszewicz, Gam-

  1. Voir p. 118.