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listes des autres pays ; on n’y prend pas parti (sauf peut-être quelques exceptions individuelles) pour les uns ou pour les autres ; au contraire, on y professe pour tous également la plus vive sympathie, comme l’ont démontré, par exemple, l’attitude des socialistes allemands pendant la guerre franco-allemande, et tout récemment le vote du Congrès de Gotha établissant que, pour les élections au Reichstag, les socialistes d’Alsace-Lorraine auront à décider eux-mêmes la tactique qu’ils veulent suivre.

Quant aux discordes qui existent actuellement parmi les socialistes en Suisse, la démocratie socialiste d’Allemagne ne peut que garder une attitude expectante, sans renier d’ailleurs ses sentiments d’amitié pour ses vieux compagnons d’armes de la Suisse allemande. Elle exprime le souhait que, dans ces luttes, les socialistes se traitent réciproquement avec ménagement, afin que, si l’union n’est pas actuellement possible, on puisse du moins établir une certaine entente, chacun suivant en paix sa propre voie (friedliches Nebeneinandergehn). Puisse le souvenir des fautes précédemment commises en Allemagne servir d’exemple et d’avertissement, et aider à réaliser notre devise commune : Prolétaires de tous les pays, unissez- vous !


Enfin, Greulich, représentant du Schweizerischer Arbeiterbund, fit l’historique du mouvement ouvrier dans la Suisse allemande depuis 1867[1] . Il rappela que des sections de l’Internationale avaient été créées à Zürich et à Bâle ; mais la guerre de 1870 arrêta le développement commencé, et il ne fut plus possible ensuite de reprendre l’organisation sur le terrain international ; c’est alors qu’en 1873, au Congrès d’Olten, fut fondé le Schweizerischer Arbeiterbund, qui se plaça sur le terrain national, et se donna un programme de politique légale. Greulich entra ensuite dans quelques détails sur la tactique adoptée par l’Arbeiterbund et sur les services que celui-ci rendait aux idées socialistes, en les faisant pénétrer dans des milieux qui leur étaient demeurés jusques-là complètement inaccessibles.


La série des rapports des Fédérations et des diverses organisations socialistes se trouvait épuisée. Le Congrès suivit à son ordre du jour en abordant la discussion de cette question : « De la solidarité internationale dans l’action révolutionnaire ». Il fut entendu que les détails du débat ne figureraient pas au procès-verbal. Le Compte-rendu résume cette dernière partie de la séance par ces simples lignes : « Sanchez, Reinsdorf, Ferrari, Joukovsky prennent successivement la parole. La suite de la discussion est renvoyée au lendemain matin. »


Il y eut le vendredi soir, à huit heures et demie, une seconde séance publique. Comme la veille, la salle était comble. Au nom de la commission chargée de rapporter sur la guerre d’Orient, Per-

  1. Greulich, bien qu’il fût venu au Congrès, n’avait pas désarmé, et conserva l’attitude d’un adversaire. Le Bulletin, dans le numéro (5 novembre) où il apprécia « les résultats du Congrès de Berne », note l’incident suivant, que ne mentionne pas le Compte-rendu du Congrès :
    « Il y a des gens qui trouvent commode, pour les besoins de leur cause, de nier l’évidence. C’est ainsi que le citoyen Greulich, admis à parler au Congrès de Borne à titre de représentant du Schweizerischer Arbeiterbund, a imaginé de commencer son discours par cette incroyable affirmation : L’Internationale est morte ! Et celui qui parlait ainsi, notez-le bien, s’adressait précisément au Congrès général de l’Internationale, qui venait d’entendre les rapports de six fédérations régionales ! Aussi la déclaration du citoyen Greulich fut-elle accueillie par un éclat de rire homérique ; c’était la seule réponse qu’elle méritât. »