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treront clairement comment, tout en recherchant l’union des diverses fractions sur la base de l’autonomie, nous n’entendions abandonner aucun des principes que nous avions énergiquement défendus depuis 1869.

À l’occasion d’un éloge des socialistes allemands fait par le National suisse, journal radical de la Chaux-de-Fonds, j’écrivis ce qui suit (Bulletin du 17 septembre 1876) :


Le « National suisse » et les socialistes d’Allemagne.

Le National suisse a publié un article à la louange des socialistes d’Allemagne.

Le National reconnaît que le socialisme allemand est un mouvement digne d’intérêt ; qu’il a déjà obtenu des résultats brillants ; que ceux qui portent la parole en son nom sont des hommes éminents et qui ne manquent pas d’éloquence.

À la bonne heure !

Néanmoins le journal radical se montre fort incomplet dans son appréciation, et tombe même dans d’étranges erreurs.

Nous croyons utile de les relever.

« Les socialistes allemands — dit le National — sont en général des gens pratiques ; l’abstention, ce rêve creux, n’est pas leur affaire, et ils tiennent à commencer, comme on dit, par le commencement. »

C’est là, on le voit, une pierre jetée dans notre jardin. L’éloge accordé aux socialistes allemands est, pour le National, une manière indirecte d’attaquer les socialistes jurassiens et leur tactique abstentionniste, dédaigneusement traitée de rêve creux.

D’abord, nous avons toujours dit que, pour notre compte, nous ne songeons pas à blâmer la tactique que suivent chez eux nos amis d’Allemagne ; nous ajoutons même qu’à leur place, il est très probable que nous ferions exactement comme eux.

Il n’est pas moins probable que, s’ils se trouvaient placés dans les mêmes conditions que nous, ils agiraient comme nous. Ce qui nous le prouve, c’est que les socialistes d’Allemagne que les vicissitudes de la fortune amènent chez nous donnent leur approbation à la ligne de conduite que nous avons adoptée, dès qu’ils se sont mis au courant de notre politique.

Une autre preuve, c’est la résolution que le Congrès de Gotha a votée relativement à l’Alsace. Il y est dit textuellement : « Dans les circonscriptions d’Alsace-Lorraine où les socialistes du pays auront décidé l’abstention, nous respecterons cette décision ».

Puisque les socialistes allemands reconnaissent que c’est à la population ouvrière d’une région à décider elle-même si elle pratiquera l’abstention électorale, et s’engagent à respecter sa décision, il est bien évident qu’ils ne peuvent trouver mauvais que les socialistes jurassiens pratiquent ce que les ouvriers d’Alsace-Lorraine sont admis à pratiquer.

D’ailleurs, cette différence de tactique n’empêche pas les socialistes de l’un et de l’autre pays de s’entendre, et de proclamer leur solidarité dans la lutte contre l’ennemi commun : la lettre de Liebknecht que nous avons publiée dans notre dernier numéro en offre un éclatant témoignage[1].

  1. Voir p. 72.