Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/455

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

letin du 27 août annonce la reconstitution d’une section à Boncourt, localité du Jura bernois où avait été créée, en 1865, une des premières sections de l’Internationale en Suisse. Le 21 août avait eu lieu à la Chaux-de-Fonds une réunion où s’étaient rencontrés des ouvriers de langue allemande et de langue française ; Reinsdorf avait adressé aux ouvriers allemands un chaleureux appel, bien accueilli ; et Pindy avait exprimé, au nom des socialistes français, le plaisir que ceux-ci éprouvaient en voyant Allemands et Français accepter les mêmes principes et se grouper autour du même drapeau.

Dans la séance du Comité fédéral du 30 août, il fut donné lecture « d’une lettre datée de Lugano, et signée L. Nabruzzi, annonçant que la Section de Lugano cessait de faire partie de la Fédération jurassienne ». Mais dès le 1er septembre une autre section était formée dans le Tessin, à Bellinzona ; le procès-verbal du Comité fédéral du 7 septembre mentionne la lecture « d’une lettre de Bellinzona, signée Salvioni, annonçant la constitution dans cette ville d’une Section internationale, qui adhère à la Fédération jurassienne ».

À l’occasion de l’anniversaire de Sedan, une grande réunion eut lieu à Berne le 2 septembre, convoquée par le Sozialdemokratischer Verein de cette ville. « La grande salle de la brasserie Tonhalle était remplie d’un public très mélangé : ouvriers des sociétés bernoises, ouvriers du Deutscher Verein, membres français, italiens, allemands de l’Internationale, bourgeoisie libérale, représentants de l’aristocratie, se pressaient à l’envi pour entendre les orateurs de l’Association[1]. Le bureau était composé comme suit : Voges, passementier, président (Sozialdemokratischer Verein de Berne) ; Adhémar Schwitzguébel, graveur et officier de l’armée suisse, vice-président (Section de Sonvillier) ; traducteurs et secrétaires : Émile Werner, typographe (Sozialdemokratischer Verein), Élisée Reclus, géographe (Section de Vevey), Sommazzi, maçon (Section italienne de Berne). Tous les orateurs allemands, Betsien, Bremeyer, Rinke, ont protesté contre la guerre et affirmé la fraternité des peuples ; Schwitzguébel a étudié la guerre au point de vue des libertés suisses ; Brousse en a fait ressortir les profondes racines sociales et a démontré qu’elle ne disparaîtrait que par une transformation économique ; Élisée Reclus s’est surtout placé au point de vue de la libre formation des nationalités. » (Bulletin du 10 septembre.) Une résolution qui disait que « l’existence de la guerre étant liée à l’organisation de la société actuelle, il était nécessaire de travailler par tous les moyens à transformer cette société », fut votée sans qu’aucune main se levât à la contre-épreuve. Télégrammes, lettres et adresses avaient afflué à la réunion ; et l’impression produite sur les assistants par cette imposante manifestation fut profonde. — Le même jour, ou le lendemain dimanche avaient eu lieu des réunions analogues dans d’autres villes de la Suisse, entre autres à Neuchâtel, au local du Grütli, et à la Chaux-de-Fonds, à l’hôtel de l’Ours ; un international de cette dernière localité écrivit au Bulletin à ce propos : « Les membres de notre Cercle d’études sociales ont manifesté leur vive satisfaction de la manière dont leurs compagnons allemands s’exprimaient au sujet des guerres nationales et du chauvinisme ; nous n’avons pas été moins touchés de les entendre affirmer le désir de voir la concorde régner entre tous les socialistes. Il a été convenu de se voir de part et d’autre le plus souvent possible ; les membres du Deutscher Verein nous ont engagés à fréquenter leur local, ce que nous ne manquerons pas de faire. »

Le 3 septembre eut lieu à Saint-Imier une réunion des adhérents au projet d’organisation de la solidarité matérielle dans la Fédération jurassienne, — dont il avait été question au Congrès de la Chaux-de-Fonds, — pour délibérer sur l’application de ce projet. L’assemblée fut unanime à décider de commencer par la constitution d’une agence fédérale d’assurance mutuelle contre la mala-

  1. Cette réunion était une réponse à la tentative d’organiser deux réunions chauvines, dont on attribuait l’initiative au fils du prince de Bismarck, attaché d’ambassade à Berne, et qu’on avait annoncées à grand fracas. La tentative des patriotes allemands avorta piteusement : l’une des deux manifestations projetées n’eut pas lieu, et l’autre fit complètement fiasco.