Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de travail : elle décida de demander aux autorités de faire entreprendre immédiatement tous les travaux pour lesquels des crédits avaient été votés.

Quelques jours après, un des chefs du parti socialiste danois, Brix, fut emprisonné pour offense à l’armée, à cause d’un article paru dans le journal satirique Ravnen (le Corbeau).


Aux États-Unis, le manque de travail allait croissant. Sur une population d’environ cent mille ouvriers, à New York, il y en avait trente-sept mille d’inoccupés ; et aucun remède à la crise n’était entrevu, ni par la classe possédante, ni par la majorité de la classe salariée.

Au Mexique, le mouvement ouvrier prenait des allures plus décidées. « Nous remarquons avec plaisir, lit-on dans le Bulletin (8 octobre), que le mouvement ouvrier mexicain semble sortir de la période purement platonique, patriotique et sentimentale, pour entrer dans un courant d’idées plus prononcé. C’est ainsi que deux journaux de Mexico, le Socialista et la Bandera del Pueblo, ont commencé à publier en feuilleton la traduction espagnole des Esquisses historiques ; c’est ainsi que le Socialista pose maintenant la question sociale d’une manière plus conforme aux principes que professent les ouvriers d’Europe. » Et le Bulletin reproduisait un article de ce journal disant nettement que « ce n’est pas la politique, mais le socialisme qui peut faire triompher les droits du peuple» ; qu’avec l’inégalité économique, « la liberté civile est un mythe » ; et que, « quant à l’exercice des droits politiques, nous savons ce que cela signifie : le peon (ouvrier agricole) vote en faveur du candidat que patronne son maître, parce qu’il ne peut pas avoir de liberté propre, et, selon les ordres qu’il reçoit, il est alternativement tout ce qu’on veut, tant en politique qu’en religion ».


On a vu (p. 56) que Kahn et Reinsdorf, invités par une assemblée populaire zuricoise à s’adresser au gouvernement suisse, avaient répondu qu’ils ne demanderaient pas justice à une autorité dont ils ne reconnaissaient pas la légitimité. La Tagwacht prit texte de l’attitude de nos deux camarades pour nous faire la leçon. Notre organe reproduisit les observations du journal zuricois et y répondit. Voici l’article (Bulletin du 27 août 1876) :


Réponse à la « Tagwacht ».

La Tagwacht consacre un article au « socialisme des Jurassiens », à propos du refus des compagnons Kahn et Reinsdorf de recourir au Conseil fédéral suisse.

« Les Jurassiens — dit la Tagwacht — se figurent qu’il est possible d’en finir avec la vieille société au moyen d’un « coup de jarnac » donné au bon moment ; et qu’ensuite, sans autre, on verra régner la justice partout et s’installer une société nouvelle.

« Nous, au contraire, — ajoute le journal zuricois, — nous regardons la lutte pour l’émancipation du peuple travailleur comme une évolution dont il n’est possible de supprimer aucun degré, dans laquelle il faut avancer pas à pas et qu’on doit traverser tout entière, car l’émancipation sociale doit avoir pour base l’émancipation intellectuelle du peuple. C’est pourquoi nous prenons pour point de départ la situation actuelle, nous l’étudions et la critiquons, nous en mettons à découvert les points faibles, et nous y appliquons le levier. C’est ainsi que s’explique l’influence que nous avons acquise, et qu’on a pu constater lors de la discussion de la loi sur les fabriques. »

Et voici la conclusion vraiment inattendue à laquelle arrive la Tagwacht :

« Le socialisme des Jurassiens est une religion ; le nôtre est une science. »